[Entretien] « La précarité économique ronge les jeunes avocats » : Me Mouhamadou Baldé dresse un constat alarmant
Élu Président de l’Association des Jeunes Avocats Sénégalais (AJAS) lors de l’Assemblée Générale du vendredi 20 juin 2025, Me Mouhamadou Bassirou Baldé s’est entretenu avec Seneweb. Dans cet entretien, il partage son ressenti après son élection, analyse les défis rencontrés par les jeunes avocats, et dévoile sa feuille de route pour les deux prochaines années.Me Baldé, vous êtes élu Président de l’AJAS. Quel est votre ressenti face au choix de vos confrères porté sur vous ?Je ressens une profonde gratitude et un honneur immense d’appartenir à cette grande famille qu’est le Barreau. Exercer la profession d’avocat est à la fois un privilège et une charge empreinte de noblesse. Concernant mon élection, je tiens à saluer chaleureusement tous mes confrères et à leur exprimer ma reconnaissance pour la confiance qu’ils m’ont témoignée. En m’élisant parmi deux candidats de grande qualité, ils m’ont confié la mission exigeante de présider l’Association des Jeunes Avocats Sénégalais (AJAS) pour les deux prochaines années. Je mesure pleinement la solennité et la responsabilité de cette fonction. Cependant, je suis rassuré par l’engagement de mon bureau et par le soutien constant des jeunes confrères de notre Barreau, qui constituent un véritable levier pour la réussite de notre mandat.Selon vous, quelles sont les principales difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes du Barreau ?Contrairement à l’image perçue de l’extérieur, le jeune avocat fait face à des difficultés multiples et souvent méconnues du grand public. Tout d’abord, il s’agit de la précarité économique dans laquelle beaucoup évoluent, aggravée par l’absence d’un accompagnement institutionnel à l’installation. De nombreux cabinets fonctionnent sans soutien public, malgré des charges professionnelles lourdes, les cabinets d’avocats étant principalement des entreprises. Le manque de dispositifs fiscaux incitatifs accentue cette précarité et complique l’installation des jeunes confrères. Ensuite, l’accès restreint aux opportunités professionnelles pose un obstacle majeur : la concurrence croissante sur un marché du droit saturé, l’absence de spécialisation valorisée, et l’inégalité d’accès à certains contentieux à haute valeur ajoutée marginalisent les jeunes avocats. S’ajoutent à cela des conditions matérielles d’exercice difficiles et un accès limité à des ressources documentaires et technologiques à jour. Enfin, la pénurie de formations continues post-CAPA représente un déficit structurel : une fois le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat obtenu, peu de programmes structurés accompagnent les jeunes confrères dans la consolidation de leurs compétences pratiques, notamment en gestion de cabinet, fiscalité ou fidélisation de la clientèle.Face à ces obstacles, quelles seront vos priorités au cours de votre mandat ?Notre ambition est de faire de l’AJAS une association dynamique, solidaire, formatrice et influente, pleinement ancrée dans les réalités des jeunes avocats sénégalais. Nos priorités s’articuleront autour de plusieurs axes stratégiques : le renforcement des capacités professionnelles des jeunes confrères à travers des formations techniques et pratiques adaptées ; l’amélioration des conditions d’exercice, notamment en plaidant pour des dispositifs de soutien à l’installation et à la protection sociale des jeunes avocats ; le développement de partenariats institutionnels et internationaux pour ouvrir davantage de perspectives professionnelles à nos membres ; et la diversification des services rendus à la communauté juridique, afin de faire de l’AJAS un acteur incontournable du Barreau et de la société civile. Nous voulons inscrire notre action dans la durée, en construisant des solutions pérennes aux difficultés structurelles rencontrées par les jeunes avocats, avec pour seule boussole l’intérêt général de la profession. Nous pourrons également compter sur le soutien de notre Ordre, incarné par notre Bâtonnier et les membres du Conseil de l’Ordre.
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