Architecture africaine, mémoire effacée d’un génie vernaculaire
Et si le béton n’était qu’un épisode dans une histoire beaucoup plus longue, plus dense, plus enracinée ? Et si l’architecture africaine ne trouvait pas son origine dans les plans quadrillés des urbanistes coloniaux, mais dans la paume d’un maçon de banco, dans le geste d’un forgeron dogon sculptant un linteau, ou dans le regard d’un enfant toucouleur reconnaissant les formes de sa mémoire dans celles d’un grenier en terre crue ?
Avant que le mot “architecture” ne soit enfermé dans des grilles académiques ou des concours internationaux, il était vécu ici comme une respiration. On construisait avec la terre, non contre elle. Les habitations bassari se fondaient dans la pente des collines, les cases sérères ouvraient leurs toits coniques au ciel, les greniers mossis prenaient la forme de la fonction, sans jamais céder au superflu. L’ingéniosité se logeait dans l’adaptation : fraîcheur naturelle, matériaux biosourcés, circuits courts avant l’heure. Ces formes n’étaient pas de la pauvreté déguisée, mais de la sagesse bâtie.
Et pourtant, ces architectures-là sont peu à peu devenues invisibles. Ni citées dans les manuels scolaires, ni intégrées aux politiques urbaines, elles ont été reléguées à l’ethnographie ou au folklore. Pire encore, elles sont parfois perçues comme des reliques d’un passé honteux, à effacer derrière du ciment peint ou du carrelage bon marché. C’est oublier qu’il y avait, dans chaque espace construit, une compréhension fine de la société, de ses hiérarchies, de ses liens de solidarité.
Le paradoxe est cruel. Alors que le monde redécouvre les vertus de l’architecture durable, l’Afrique continue d’importer des modèles énergivores, souvent inadaptés à son climat, à ses usages ou à ses ressources. Là où l’on devrait puiser dans le génie vernaculaire pour dessiner des villes de demain, on mime des façades de verre dans des quartiers qui manquent d’eau, ou des tours sans âme dans des villes qui étouffent.
Rendre justice à l’architecture africaine, c’est donc plus qu’un exercice de mémoire. C’est une urgence contemporaine. C’est réapprendre à bâtir avec le lieu, avec le temps, avec les hommes et les femmes qui y vivent. C’est réhabiliter des savoirs, pas pour les figer dans un musée, mais pour en faire la matière première d’une modernité enracinée.
Car nos villes n’ont pas besoin d’un style importé pour être modernes. Elles ont besoin d’âme, de sens, et de cette intelligence du territoire que nos ancêtres, sans diplôme ni bétonnière, maîtrisaient mieux que beaucoup d’architectes d’aujourd’hui.
Commentaires (14)
Joli billet.
Nous devons effectivement privilégier une architecture adaptée à nos besoins plutôt que d'importer, sans plus y réfléchir, des modèles qui conviennent à ceux qui les ont pensés
C'est vrai en architecture comme dans d'autres domaines d'ailleurs
Meme les mosquées et les églises doivent etre construire avec de l'architecture africaine, comme au Japon, les mosquées ne sont pas contruits comme les arabes, c'est une forme de colonisation culturelle ! Soyons fier de notre patrimoine culturelle !
Il y a lieu d'utiliser des couleurs plus adaptés au climat sahélien.
Aucune cohérence dans les villes, c'est un soupou kandia vu du ciel. Les villes sénegalaises sont vilaines.
A croire qu'il n'existe pas de ministère de la ville ou des collectivités locales.
Blablateur !
Je vous adore
Hi Nice text.Very good thoughts.we need subjects bringing back our real culture.Good job Mrs A.Fall.Nice day
Tellement vrai ! Bravo Aicha
Excellent. J'espère qu'un jour l'Afrique prendra conscience de la beauté de sa culture et de son asservissement aux valeurs arabes et occidentales; Plus de mosquée au mètre carré au Sénégal que dans n'importe quel pays arabe.
Bravo 👏
Ce sont des articles comme ça qu'il faut écrire et transmettre à qui de droit car réfléchis utiles.
Merci beaucoup pour cette réflexion et bonne continuation,il faudrait peut être transmettre aux architectes au ministère de l'urbanisme au 1er ministre et réfléchir à sa mise fn œuvre surtout pour les projets de logements sociaux dans certaines zones car Dakar et les agglomérations c'est raté !!!
Fantastic
Je me pose juste la question. Pourquoi Vernaculaire et Vernaculaire comparée à quelle autre Genie?
Une Oeuvre est une Oeuvre. Et un Genie un Genie.
Très bel article.
Nos constructions ne sont pas du tout adaptées à notre environnement
Le Colisée (entre autres ), construit en 72 a été édifié avec des matériaux "vernaculaires" et un génie tout aussi vernaculaire? Vous comprenez ce que je veux dire ?
Manaam daal, tchi gattal, nous n'avons pas toujours besoin de regarder loin pour nous éémerveiller parce qu'avec un peu plus de prise de conscience de notre richesse architecturale, de notre culture d'une manière générale, on a bien, parfois, de quoi pavoiser.
Thiey Aïcha Fall ! moom daal ses articles se boivent très souvent, pour ne pas dire tout le temps, comme du petit lait rrek.
avec de l'architecture africaine..................EH GOLO ......quelle architecture : Diola, Touareg, Swahili , Bantou, rupestre éthiopienne, architecture soudano-sahélienne /.Grande Mosquée de Djenné (Mali): , egyptienne /pyramide, les habitations troglodytes de Matmata (Tunisie).............
primitif inculte c'est doux !!
https://www.bbc.com/afrique/region-58913094
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