Présent à la conférence sur le FCfa organisée le mercredi 28 mai par le laboratoire d’analyse des politiques de développement (LAPD) de l’UCAD, Dr Seydou Bocoum, s’est fait remarquer par son intervention. Celui qui dit avoir soutenu le premier doctorat en économie numérique d’Afrique occidentale est catégorique : nous allons vers la monnaie numérique et les banques commerciales vont disparaître. Spécialiste de monnaie numérique de banque centrale, Dr Bocoum est le vice-président du laboratoire de recherche économique et monétaire (LAREM) de l'UCAD. Seneweb s’est entretenu avec lui à la fin de la conférence. 

Vous dites qu'il faut sortir du CFA et même de toutes ces monnaies parce l'avenir, c'est la monnaie numérique. Qu'est-ce que vous fait dire ça ? 

Toutes les banques centrales vont aller vers la monnaie numérique. On appelle CBDC, monnaie numérique de banque centrale. Et même au niveau de la BCE, on va faire ce qu'on appelle l'interopérabilité. L'interopérabilité, c'est la première phase des six phases d'une monnaie numérique de banque centrale. L'Euro sera digitalisé en octobre. Tout le monde le sait.

Maintenant, le yuan a été digitalisé. Le franc suisse a été digitalisé. Donc, il y a au moins plus de 140 projets de banques centrales, de monnaies digitales qu'on appelle monnaie numérique de banque centrale. Donc, quel que soit le cas, on va vers des monnaies digitales.

Est-ce que nos pays en sont conscients ? Est-ce que nous sommes dans la dynamique ?

Conscients, je dirais oui. Mais dans la dynamique, nous restons toujours derrière la France. Les populations ne savent pas ce qui se passe. Mais en ce moment, on va vers une monnaie digitale du CFA. 

Y a-t-il un rapport avec le désengagement des Européens des banques commerciales en Afrique ?

Évidemment ! Les banques européennes ont quitté parce que l’euro sera digitalisé en octobre. Elles ne vont plus utiliser Visa, MasterCard ou American express. Toutes les banques commerciales vont disparaître. Ce que la Banque centrale a fait avec les fintech – il n’y a que deux qui sont reconnues – on va le faire avec les banques commerciales. C’est pour cela que 80% des banques commerciales sont des banques africaines. Il n’y a plus de banque européenne, la monnaie a changé de nom. Il n’y aura plus de banque de correspondance. Les échanges se feront à partir du forex market. 

En Europe, il y aura une plateforme qui s'appelle l'eurodigital, qui regroupera uniquement les banques européennes. Le premier critère, c'est quoi ? C'est l'identité numérique. Donc, il faut que tu sois numériquement identifié pour pouvoir rentrer dans ce système-là. Or, les Africains ne sont pas identifiés numériquement. Donc, c'est pour ça que les banques africaines ne vont pas rentrer dans le système.

Pourquoi les banques africaines ne seront pas admises dans ce système ?

Parce qu'il y a deux critères. Un, il faut avoir ce qu'on appelle les KYC (Know your customer). Il faut identifier les clients. Et deux, il faut ce qu'on appelle AML, (Anti-Money Laundering, dispositif contre le blanchiment d’argent). Il faut réunir ces deux critères. Et en ce moment, peu de banques vont remplir ces conditions-là. Ce qui veut dire que la majorité des banques risque de ne pas rentrer dans le nouveau système.

Quel sera alors le rôle de la Banque centrale ?

On va faire une monnaie numérique de banque centrale. Donc, la banque centrale va devenir une fintech. Les opérations que faisaient les banques commerciales, une partie sera faite par la banque centrale. On va avoir deux CBDC (Central bank digital currency), le gros et le détail.

Et si la banque centrale fait du détail, ce qui veut dire que chacun aura un compte à la banque centrale, (2:37) mais les banques commerciales ne vont plus exister. C'est ce qu'on appelle les BFI, les banques de financement et d'investissement. On appelle les grosses banques. Elles seules vont rester. Pourquoi JP Morgan est venue en Afrique ? Il faut se poser la question. 

Est-ce que ça veut dire que chez nous Wave et Orange Money ont plus d’avenir ?  

Ça, c'est évident ! Orange va vraiment être la première banque du Sénégal. Ça, c'est sûr.

On vous a opposé quand même l'argument de la connectivité.

On est passé de 23% de bancarisés à plus de 70% de bancarisés. Donc, quel argument on va m’opposer ? Tout le monde utilise WhatsApp et Wave dans ce pays. Alors, tu sais, moi, je ne réponds pas à la provocation.