Une des particularités de Koungheul et qui fait son charme, c’est sa diversité ethnique caractérisée par la présence de minorités comme les Koniaguis qui ont fini de s’intégrer dans le terroir tout en préservant jalousement leur patrimoine culturel et coutumier. A l’occasion des grands événements et autres célébrations à Koungheul, la prestation de la troupe des Koniaguis est toujours la principale attraction avec sa fameuse danse des masques, exécutée aux sons de chants rituels.
Les Koniaguis sont une ethnie originaire de la région de Koundara (Guinée Conakry) frontalière avec celle de Kédougou au Sénégal ou vivent également une grande partie de ce peuple très attaché à la terre et à la forêt. Leur installation dans la contrée du Bambouck remonte à l’époque coloniale jusqu’au début des indépendances, pendant la période faste de l’économie de traite, dans le cœur du bassin arachidier. Selon Malick Mané, président de l’association des Koniaguis de Koungheul, c’est à la faveur du recrutement des travailleurs saisonniers agricoles fait par les chefs de Canton que beaucoup de membres de cette communauté ont pris pied dans la zone réputée pour sa terre fertile. Toutefois, des anciens de la communauté soutiennent qu’il faut aussi inscrire dans le lot la première génération constituée d’anciens combattants revenus des fronts de l’Occident qui sont finalement restés après leur démobilisation. Malick Mané rappelle que le vrai nom de l’ethnie est « Awey » et non Koniaguis qui est un surnom qui désigne les abeilles qui leur a été attribués par leurs voisin peulhs à cause de leurs capacités à dompter ces insectes pour en faire des armes de guerre afin de chasser leurs ennemis. Les forces coloniales qui ont tenté de pénétrer dans leur fief montagneux en ont toujours été repoussées par les Koniaguis qui ont recouru aux abeilles pour les chasser.
La danse des MasquesPour Emmanuel Banco Mané, responsable de la troupe folklorique Koniagui, le contexte conflictuel qui caractérisait les relations entre les Koniaguis et les peulhs cohabitant dans la même région des contreforts du Fouta Djallon (montagne culminant à 1515 mètres) a été la brèche empruntée par les colons pour finalement les atteindre avec la complicité de leurs rivaux. Parlant de l’intégration des Koniaguis dans la zone de Koungheul, Emmanuel souligne qu’elle a été facilitée par leur ardeur au travail et leur grande capacité de production qui faisaient d’eux des travailleurs très recherchés par les commerçants traitants et autres grands propriétaires terriens pour les enrôler dans leurs effectifs d’ouvriers agricoles appelés « Sourgas ». En plus, a-t-il ajouté, les Koniaguis sont venus avec un métier qu’ils ont hérité de leur origine forestière, à savoir le tissage du bambou. Un art qu’ils exerçaient pendant la saison sèche et qui a fait les beaux jours des exploitants forestiers de la localité du fait de la forte demande des articles confectionnés tels que les parquets servant de clôture des maisons (Krinting), des lits de campagne, etc. Toutefois, a-t-il soutenu, cette intégration n’a pas entraîné de rupture entre ce peuple, sa culture et ses coutumes traditionnels. E. Mané indique que le maintien du calendrier des célébrations rituelles telles qu’elles sont pratiquées au « pays » fait partie des usages toujours de rigueur au sein de la communauté Koniadji de Koungheul. C’est ainsi que le trimestre (avril mai juin) est toujours la période choisie en fonction des disponibilités des villages pour assurer les spectacles rituels. Selon le chef de la troupe de Koungheul, la plus grande cérémonie culturelle Koniadji avait lieu à l’occasion de l’excision des jeunes filles. Avec l’abandon de cette pratique et pour ne pas perdre une tradition multiséculaire, la danse a été reprise sous la forme de spectacle culturel et fait partie du patrimoine à préserver pour les générations futures. Exécutée dans une chorégraphie de carnaval, la danse dénommé « Sam patié » met en scène toutes les générations de la communauté habillées en tenue traditionnelle et arborant tous des masques. Le déguisement aux masques s’explique, selon E. Mané, par le symbolisme qu’ils représentent dans la société Koniadji. En effet, dans l’imaginaire de la communauté, le masque est considéré comme le génie protecteur et toutes les pratiques cultuelles exigent le port du masque pour conjurer le mauvais sort et chasser les mauvais esprits. Un autre aspect illustratif de la culture Koniagui, c’est la chorégraphie du spectacle animé aux sons de chants et de cris qui renseignent un peu sur l’histoire de ce peuple de la forêt très dynamique. E. Mané confie qu’à l’origine les Koniaguis étaient des animistes mais au contact d’autres civilisations, beaucoup d’entre eux ont embrassé les religions chrétienne ou musulmane. Toutefois, informe M. Mané, dans un souci de préservation de l’héritage des ancêtres, chaque 24 décembre, les fils et petits-fils de la communauté vivant à l’extérieur viennent se ressourcer et découvrir pour certains ce pan de leur culture. Les journées culturelles du Bambouck offrent chaque année une occasion pour les populations et les visiteurs de découvrir la richesse culturelle de cette sympathique et paisible communauté.
Babacar DRAME
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