Calendar icon
Friday 31 October, 2025
Weather icon
á Dakar
Close icon
Se connecter

LA COLLECTIVITE LEBOU DE DAKAR ET ENVIRONS SE SOIGNE : La preuve par le «ndëp»

Auteur: Lobservateur

image

Les collectivités «lébou» de l'ex presqu’île du Cap¬Vert ont entamé leurs traditionnelles séances d'exorcisme appelées «ndëp». Une pratique qui consisté à «purifier l'esprit de la personne et à la protéger contre des êtres malveillants». Elle dure 4 jours à une semaine et la période de convalescence est d'un mois voire quarante jours. «L'Obs» a donné la parole aux acteurs concernés par cette cure qui traverse tous les temps.

KHADY NDOYE, UNE VICTIME DES « RAB » «Le ndëp a mis fin à mes avortements répétés» 

Portant bien ses 4o ans, la mine bien soignée, la dame Khady Ndoye, mère de 4 enfants, croit dur comme fer aux vertus thérapeutiques du «ndëp». Une série d'avortements l’a obligée à recourir aux services des marabouts qui lui ont tous conseillé de privilégier la «science» de ses ancêtres. La voie des «xambb» est donc toute indiquée, non sans appréhension : «J'ai mis du temps à adopter cette solution car j'avais peur de m'enfermer dans un cercle vicieux. J'entendais souvent dire que les esprits faisaient du chantage». La peur surmontée, l'expérience s'avérera concluante au bout de trois séances d'exorcisme : «J'ai fait le ndëp à trois reprises. En sacrifiant une chèvre et deux coqs la première fois, trois coqs la deuxième fois et une chèvre la troisième. C'est à la veille du sacrifice de la chèvre que mon saignement s'est arrêté car j'étais enceinte de mon troisième enfant. Depuis lors, tout est rentré dans l'ordre, puisque je ne saigne plus pendant la grossesse et les avortements sont désormais un mauvais souvenir pour moi». 

OMAR NGALLA GUEYE, HISTORIEN «Le sang représente la force mystique qui transmet les désirs du malade au djinn» 

Comment définissez-vous le «ndëp»? 

Les lettres N et M sont des consonnes empruntées par les Lébou. «Ndëp» est le pluriel de «deup» qui signifie «retour». Les Lébou ont pactisé avec les «djinns» et entretiennent avec eux des liens de complémentarité. La sanction des «djinns» est immédiate dès que les membres des familles ayant pactisé violent le contrat, notamment en restant sourds aux recommandations des esprits. Cette sanction se matérialise par un manque chez la personne. Le malade est alors considéré comme un cadavre symbolique, sorti de la société humaine pour intégrer celle des «rab» (esprits). C'est par le cérémonial du «ndëp» qu'il revient parmi les hommes. Que représente le sacrifice de bœufs, chèvres, moutons ou coqs? Généralement, le «rab» qui dépossède la personne d'un de ses organes le confie à son chef, «Kayaafi», pour s'assurer qu'un autre esprit plus fort que lui ne le confisquera pas. Ce dernier demande une paie lors de la restitution. Un bœuf, une chèvre, un mouton ou un coq, cela dépend de la gravité du tort. Un djinn ne donne jamais sans demander une contrepartie. Les familles dont les ancêtres ont bénéficié de l'argent ou des biens des esprits ne peuvent sacrifier qu'un bœuf. Le mouton est généralement demandé par un «rab» musulman. Les coqs sont donnés en guise d'offrande aux génies dans les «xambb» familiaux pour s'attirer leurs faveurs et demander pardon. C'est différent du «ndëp». Le premier se fait en famille restreinte, le second en public. 

Quelles sont les étapes du «ndëp»? 

Le malade enfouit d'abord ses désirs dans la bouche de l'animal que l'on terrasse pour qu'il le traverse sept fois horizontalement. On relève l'animal pour que le « possédé» enrobé dans 7 ou 12 m de percale monte dessus. La prêtresse fait alors 7 fois le tour de l'animal en s'arrêtant chaque fois au niveau de la tête pour psalmodier la litanie suivante : «Yé dénalo waaye rab né déwola» (on dirait que tu étais mort mais l'esprit a dit que tu n'es pas mort). L'animal est ensuite tué en public, mais son sang est recueilli dans un récipient pour qu'il ne touche pas le sol. C'est ce qu'on appelle le «bukatu». Ce sang représente la force mystique transmettant les désirs du malade au djinn qui l’a possédé. Il est versé sur tout le corps du malade qui sera ensuite aspergé de lait pour matérialiser son retour parmi les vivants. C'est à ce moment qu'intervient le djinn qui dicte au malade cette chanson : «Woy deewuma, de nu ne dama dee te dee wuma » (je ne suis pas mort, on a dit que j'étais mort, alors que je ne le suis pas). C'est le «sangu» (lavage). Mais, auparavant, ce sont 7, 12 ou 21 kg de mil qui auront été versés sur tout le corps du malade car le mil est un élément purificateur. Ce procédé est appelé «natt» (pesée). Ce mil sera ensuite transformé en «naak» (boules de mil) et mélangé au lait pour la consommation du public. Les intestins de la bête tuée vont servir aussi de colliers et de bracelets que le malade portera sur le cou, le cœur, les bras et les jambes. L'esprit s'en sert pour réanimer les organes amorphes du patient. Cette étape correspond au «roogu». Le «sadj» (commencement) sera donc l'ultime étape qui va ouvrir la conversation avec les djinns par le biais du battement des tam-tams, tambours ou tout autre instrument sonore, car ce n'est que dans le brouhaha que ces derniers rendent ce qu'ils ont pris chez les malades. Cette restitution est durement ressentie par les malades, c'est pourquoi ils tombent en transe. Elle dure de 4 jours à une semaine. Le malade n'a pas pour autant épuisé la procédure. Il prendra un autre bain censé le protéger contre les mauvaises langues et le mauvais sort. Cette pratique est appelée «tolemti» (refaire ou recommencement). Le délai de convalescence est d'un mois ou quarante jours, pour certains. A y voir de près, le rituel du «ndëp» ressemble fort à celui des funérailles. Le bassin mortuaire est représenté par le mil, le cercueil par l'animal sur lequel monte le malade; la prière funéraire est symbolisée par les sept tours effectués par la praticienne autour de la bête destinée au sacrifice. Le sang-renvoie au sable qui recouvre le corps du mort dans la tombe et l'enterrement est matérialisé par la conduite du «possédés » dans l’intimité des «xambb». 

SOURCE : L’OBS IBRAHIMA DIAKHABY

Auteur: Lobservateur
Publié le: Mardi 10 Mai 2011

Commentaires (0)

Participer à la Discussion