Les taxis-motos, nouveaux maîtres du bitume guinéen
Impossible de traverser une grande ville guinéenne sans entendre le vrombissement familier des taxis-motos. Présents dans chaque carrefour, chaque ruelle, ces engins sont devenus bien plus qu’un simple moyen de transport : ils représentent aujourd’hui une véritable colonne vertébrale de la mobilité et de l’économie urbaine.
Un phénomène né de la débrouille
Le taxi-moto s’est imposé dans un contexte marqué par la crise des transports publics et le chômage massif des jeunes. En l’absence d’emplois formels, des milliers de jeunes Guinéens ont trouvé dans la moto une source de revenu rapide, flexible et accessible.
« C’est notre survie », confie Mamadou, conducteur à Coyah. « Sans ça, beaucoup d’entre nous seraient à la maison, sans rien faire. »
Aujourd’hui, selon plusieurs estimations locales, des dizaines de milliers de conducteurs sillonnent les routes de Conakry, Kindia, Labé ou encore N’zérékoré. Le phénomène touche aussi bien les zones rurales que les grandes agglomérations.
Une économie parallèle qui pèse lourd
Derrière cette mobilité effervescente se cache une économie informelle puissante. Chaque taxi-moto génère des revenus quotidiens qui font vivre non seulement le conducteur, mais aussi des familles entières, des mécaniciens, des vendeurs de carburant, et des importateurs de pièces détachées.
Les motos, souvent importées de Chine ou d’Inde, alimentent tout un écosystème : du vendeur de pneus à la petite gargote où les chauffeurs font halte, c’est tout un circuit économique de proximité qui s’est construit autour d’eux.
Entre désordre et nécessité
Mais cette prospérité a un revers : le désordre urbain et les accidents. Les taxis-motos évoluent souvent dans un vide réglementaire, sans assurance, sans permis formel, et parfois sans casque. Les routes étroites, le non-respect du code de la route et l’absence de contrôle font de la circulation un véritable chaos, notamment à Conakry.
Pourtant, malgré les critiques, les taxis-motos restent indispensables. Là où les taxis classiques refusent d’aller, eux passent. Ils relient les quartiers enclavés, transportent les marchandises, et comblent les lacunes d’un système de transport public défaillant.
Le moteur d’un changement social
Au-delà du transport, le taxi-moto est devenu un symbole d’émancipation sociale. De nombreux jeunes y voient une façon de reprendre le contrôle de leur vie, de subvenir aux besoins de leur famille, et parfois même d’épargner pour lancer d’autres activités.
Certains conducteurs forment des associations, d’autres créent des petites coopératives pour acheter leurs propres engins. Cette économie du bitume incarne une forme d’ingéniosité guinéenne face à la précarité.
Vers une reconnaissance institutionnelle ?
Les autorités peinent encore à encadrer le secteur. Faut-il interdire, réguler ou professionnaliser ? La question divise. Pourtant, une meilleure organisation — permis, assurances, formation, zones réservées — pourrait transformer cette activité informelle en un véritable levier de développement local.
Car au fond, les taxis-motos ne sont pas qu’un symptôme de crise : ils sont le reflet d’une Guinée en mouvement, jeune, courageuse, inventive — celle qui crée des solutions quand l’État n’en fournit pas.
Commentaires (8)
Ils int déjà commencé d ailleurs.
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