Mariage précoce, école ou foyer ? Le dilemme des jeunes filles en Guinée rurale
En Guinée, malgré les avancées législatives et les campagnes de sensibilisation, le mariage précoce reste une réalité douloureuse pour de nombreuses jeunes filles, surtout dans les zones rurales. Entre le rêve d’aller à l’école et la pression sociale du mariage, beaucoup voient leur avenir se décider sans elles.
Selon les dernières estimations de l’UNICEF, près de 47 % des filles guinéennes sont mariées avant 18 ans, et environ 17 % avant 15 ans. Ces chiffres révèlent une situation alarmante, particulièrement marquée dans les régions de Haute et Moyenne Guinée, où la tradition et la pauvreté pèsent lourd sur le destin des jeunes filles.
L’école, un rêve souvent interrompu
À Kankan, Mariama, 15 ans, raconte son histoire les yeux baissés : « J’aimais l’école, mais mon père a dit que je devais me marier avec un cousin. Il a expliqué que c’est pour m’assurer un avenir. J’ai pleuré, mais personne ne m’a écoutée. »
Comme elle, des milliers de jeunes filles sont contraintes d’abandonner les bancs de l’école pour rejoindre un foyer conjugal.
Pour les familles, le mariage est souvent perçu comme une sécurité économique et une protection contre la “honte” d’une grossesse hors mariage.
Mais selon Aïssatou Bah, éducatrice dans une ONG de Kankan, cette logique condamne les filles à la dépendance : « Quand une fille quitte l’école trop tôt, elle perd sa chance d’avoir une autonomie. Beaucoup se retrouvent ensuite avec des enfants à 16 ans, sans revenu, sans voix dans leur ménage. »
Entre tradition, religion et pauvreté
Le phénomène du mariage précoce en Guinée est alimenté par un mélange complexe de coutumes, croyances religieuses et précarité économique. Dans certaines familles, une fille non mariée après 15 ans est perçue comme un “fardeau”.
Pour d’autres, c’est la peur du “déshonneur” qui pousse à marier vite.
Pour le sociologue Abdoul Karim Diallo, basé à Labé : « Le mariage précoce est un phénomène social profondément enraciné. On le justifie souvent par la religion, mais en réalité, c’est une question de contrôle social et de survie économique. »
Une loi existe, mais peu appliquée
La législation guinéenne est pourtant claire : la loi fixe l’âge légal du mariage à 18 ans pour les filles comme pour les garçons.
Le Code de l’Enfant et le Code civil interdisent toute union avant cet âge.
Mais sur le terrain, les mariages sont souvent célébrés discrètement, parfois avec la complicité de chefs religieux ou coutumiers.
« Il y a un décalage entre la loi et la réalité. Dans les villages, ce sont les traditions qui dominent, pas les tribunaux », reconnaît une magistrate du Parquet pour Enfants de Conakry.
Commentaires (2)
Participer à la Discussion
Règles de la communauté :
💡 Astuce : Utilisez des emojis depuis votre téléphone ou le module emoji ci-dessous. Cliquez sur GIF pour ajouter un GIF animé. Collez un lien X/Twitter ou TikTok pour l'afficher automatiquement.