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Soudan : ce que nous disent les images de massacres dans la ville d’El-Facher

Auteur: France 24

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Soudan : ce que nous disent les images de massacres dans la ville d’El-Facher

Après un an et demi de siège, la ville d’El-Facher, au Soudan, est tombée lundi matin. C’était la dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemedti. Depuis leur entrée dans l’agglomération, les FSR ont commis des massacres contre les civils dans différents quartiers, comme le montrent des images analysées par la rédaction des Observateurs de France 24.

Des pick-up d’hommes armés qui roulent à toute vitesse devant des civils en fuite, des miliciens qui paradent dans des rues, et des tranchées dans le sable qui se remplissent de corps sans vie : des dizaines d’images de la ville d’El-Facher, au Darfour, ont déferlé sur les réseaux sociaux soudanais depuis lundi 27 octobre. Ces vidéos ont été filmées par les protagonistes principaux – les Forces de soutien rapide (FSR) – qui se sont emparées de la ville en chassant l’armée soudanaise. Cette prise constitue une étape clé dans la guerre pour le contrôle du Soudan que se livrent les FSR et l’armée soudanaise.

Les FSR ont émergé dans le sillage du groupe paramilitaire des Janjawid, connu pour avoir perpétré des massacres ethniques au Darfour entre 2003 et 2005. Dès leur arrivée dans El-Facher, les membres des FSR se sont filmés triomphants dans les rues.

Dans cette vidéo publiée le 27 octobre 2025, des membres des Forces de soutien rapide (FSR) patrouillent dans la ville d’El-Facher, au Soudan, à moto, et paradent à dos de chameau (géolocalisation :13.628769, 25.330779). X/ThomasVLinge

Abu Lulu, un milicien qui filme ses exactions

Mais les FSR ont également filmé leurs exactions, comme le montrent des images diffusées par une chaîne Telegram qui leur est favorable, marek55500 : on y voit notamment des miliciens des FSR parader devant une fosse commune dans laquelle sont entassés des dizaines de cadavres, dans trois vidéos différentes.

Captures d’écran de trois vidéos publiées le 27 octobre 2025 par un compte Telegram favorable aux Forces de soutien rapide (FSR), montrant une fosse commune située aux alentours d’El-Fasher, au Soudan. © Telegram / marek55500

Au total, la rédaction des Observateurs de France 24 a pu compter 33 cadavres présents dans une seule des trois vidéos. Il est possible d'estimer à une cinquantaine le nombre de dépouilles présentes dans les trois vidéos. Parmi ces corps sans vie, la rédaction des Observateurs de France 24 a pu identifier une femme ainsi que trois hommes vêtus de treillis de camouflage.

Sur cette capture d’écran de l’une des vidéos diffusées le 27 octobre 2025, Abu Lulu prend la pose pour les caméras devant la fosse commune. © Telegram / marek55500

Dans une autre vidéo au même endroit, Abu Lulu exécute un homme blessé allongé par terre. Quelques secondes avant sa mort, le prisonnier à terre implore la clémence d’Abu Lulu : "Miséricorde ! Miséricorde !" Les officiers présents autour tentent de convaincre Abu Lulu de lui laisser la vie sauve. Ce dernier refuse et s’adresse au prisonnier qu’il s’apprête à tuer : "Même si le général al-Burhane [chef de l’armée soudanaise qu’affrontent les FSR, NDLR] vient ici, je ne te lâche pas ! Tu ne me donnes pas d’informations utiles, tu n’es personne, tu n’existes pas !" Abu Lulu tire finalement cinq balles pour achever le blessé.

Captures d’écran d’une vidéo publiée sur Facebook le 27 octobre 2025 : Abu Lulu (l’homme avec l’écharpe blanche) parle à un prisonnier blessé, puis tire cinq balles de fusil d’assaut pour l’achever. © Facebook / h.lm.msj.n.227228

Ce n’est pas la première fois qu’Abu Lulu expose ses crimes devant les caméras. Le 18 août, une vidéo filmée à El-Facher montrait déjà Abu Lulu exécuter un homme de sang-froid. Avant de le tuer, Abu Lulu l’avait questionné sur son ethnie d’appartenance. Dès que l’homme lui avait répondu qu’il était maba [une des ethnies non arabes du Darfour, régulièrement visées par des exactions des FSR, NDLR], Abu Lulu avait tiré sept balles avec un pistolet dans sa direction.

Quelques heures après la diffusion de ces images prises à El-Facher, les Forces de soutien rapide avaient tenté de prendre leurs distances avec Abu Lulu, affirmant que ce dernier ne faisait pas partie de leurs rangs. Pourtant, sur les images publiées sur son compte TikTok, il est possible de voir Abu Lulu arborer le badge sur lequel figure le logo des FSR.

Sur ces différentes images publiées sur son compte TikTok, Abu Lulu s’affiche fréquemment avec un badge à l'effigie des Forces de soutien rapide (celui visible dans l’image en haut à droite). © TikTok / user32729159961353

Jeudi, les Forces de soutien rapide ont finalement annoncé l’arrestation d’Abu Lulu sur leur canal Telegram : "Abu Lulu et plusieurs personnes impliquées dans des violations des droits humains à El-Facher arrêtés par les FSR." Le texte est accompagné d’une vidéo montrant Abu Lulu menotté et enfermé.

Cette capture d’écran d’une vidéo diffusée par les FSR dans leur canal Telegram officiel, le 30 octobre 2025, montre Abu Lulu enfermé par des membres de la milice. © Telegram / RSFSudan

Des massacres à l’hôpital pour enfants, à la faculté de médecine et à la maternité

Dans la ville d’El-Facher, les infrastructures civiles ont également été le lieu de plusieurs massacres. Une vidéo montre les couloirs de la faculté de médecine de la ville recouverts de cadavres. On y voit un milicien descendre des escaliers et entrer dans un hall jonché de corps. Un homme vêtu de blanc et désarmé est assis au milieu de la pièce. Faisant dos au soldat, il se retourne et lui adresse un regard furtif, puis se retourne. Le milicien pointe son fusil d’assaut et l’abat d’une balle dans le dos.

Captures d’écran d’une vidéo – floutées par France 24 – montrant l’exécution d’un homme désarmé dans les couloirs de la faculté de médecine d’El-Fasher, au Soudan (géolocalisation :13.62852, 25.32765). © X / BenDoBrown

Au total, il est possible de compter au moins 11 cadavres sur cette vidéo.

Des images satellite datées de lundi 27 octobre consultées par la rédaction des Observateurs montrent la présence de plusieurs pick-up aux alentours de la faculté.

Cette image satellite datée du 27 octobre 2025 montre la présence de pick-up à proximité de la faculté de médecine d’El-Fasher, au Soudan (géolocalisation : 13.62852, 25.32765). © Airbus DS 2025

L’hôpital pour enfants de la ville a également été ciblé par les FSR. Les communications ayant été coupées et les rues investies par les FSR, il n’existe pas d’images au sol du massacre. Mais des images satellite datées de lundi 27 octobre et recueillies par le Laboratoire de recherche humanitaire de l’université de Yale montrent des taches noires semblables à un empilement de corps humains devant l’enceinte du bâtiment. Le lendemain, les corps semblent avoir été entassés sur le côté.

Ces images, publiées respectivement les 26, 27 et 28 octobre 2025, montrent l’apparition puis le déplacement de plusieurs dizaines de corps devant l’hôpital pour enfants d’El-Fasher, au Soudan. © X / HRL_YaleSPH

De son côté, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé a dénoncé la mort de "460 patients et accompagnateurs" dans un massacre qui a eu lieu dans la maternité d’El-Facher.

Des images satellite montrant des charniers

D’autres images satellite publiées lundi 27 octobre par l’université de Yale montrent des charniers dans le quartier Daraja Oula. Selon les chercheurs, les FSR ont massacré la population maison par maison.

Image satellite publiée le 27 octobre 2025 par le Laboratoire de recherche humanitaire de l’université de Yale. On y voit des traces de charniers dans plusieurs rues du quartier Daraja Oula, à El-Fasher, au Soudan. © X / HRL_YaleSPH

Pour Nathaniel Raymond, membre du Laboratoire de recherche humanitaire de l’université de Yale, les taches rouges visibles sur les images satellite correspondent à des traces de charniers :

"Ces traces rouges apparaissent dans des zones où elles n’étaient pas présentes les jours précédents. De plus, ces traces apparaissent à proximité de véhicules capables de transporter des mitrailleuses lourdes. La coloration rouge apparaît systématiquement à côté de formes ayant une proportion similaire à celle d’un corps humain.
Nous avons observé ces traces dans le quartier de Daraja Oula [un quartier situé dans l’ouest de la ville, NDLR]. Il y avait de nombreux civils qui se cachaient dans cette zone pendant le siège de la ville. Pour l’instant, nous n’avons pas été en mesure d’inspecter tous les quartiers de la ville. Mais les images satellite nous permettent déjà d’affirmer qu'il y a eu d’importants massacres.
Des panaches de fumée apparaissent sur d’autres images satellite la veille de la prise définitive de la ville par les Forces de soutien rapide. Le 26 octobre, il est donc possible de voir plusieurs zones incendiées, notamment des résidences du quartier de Daraja Oula où ont été repérées les traces de charnier le lendemain."

Cette image satellite prise le 26 octobre 2025 montre de la fumée qui s’échappe à proximité d’un point où des signes de massacres ont été repérés, dans le quartier de Daraja Oula, à El-Fasher, au Soudan (géolocalisation : 13.631629096548048, 25.325599230522496). © VandorTechnologies2025

D’autres images satellite datées des lundi 27 et mercredi 29 octobre montrent la trace d’un convoi dont les voitures ont été calcinées. Il est impossible de déterminer de façon indépendante si ces véhicules brûlés appartiennent à des soldats de l’armée soudanaise qui fuyaient les FSR ou à des civils. De plus, pour les experts interrogés par la rédaction des Observateurs, il est difficile de dater avec précision le début de la phase de retrait définitif de l’armée soudanaise.

À droite : capture d’écran d’une vidéo diffusée le 27 octobre 2025 et montrant un soldat avec un uniforme souvent adopté par les FSR, qui prend la pose devant un convoi de véhicules en flammes. À gauche : deux images satellite, datant respectivement des 27 et 29 octobre 2025, permettent d’observer les restes de ce même convoi. © X / AfriMEOSINT

Des civils en fuite poursuivis par les combattants

De nombreuses images publiées sur les réseaux sociaux montrent également des civils en train de prendre la fuite au milieu des hommes des FSR. Sur leur chaîne Telegram, les FSR ont partagé elles-mêmes des images filmées depuis un drone où des dizaines de civils tentent de fuir la zone d’El-Facher.

Cette vidéo partagée le 26 octobre 2025 par les Forces de soutien rapide est prise depuis un drone qui filme la fuite des populations civiles dans la zone d’El-Fasher, au Soudan. © Telegram / RSFSudan

Une autre vidéo montre des pick-up des FSR poursuivre des civils en fuite. L’un des miliciens à bord d'un pick-up crie : "Regardez ce grand nombre [de civils en fuite, NDLR]. Rattrapez les filles qui sont devant." Un autre combattant crie : "Je le jure devant Dieu, du pillage, du pillage !" Il est cependant impossible de vérifier de façon indépendante la localisation exacte de cette vidéo.

"Les FSR demandaient des sommes d’argent astronomiques pour laisser les civils quitter la ville"

Pour Sheldon Yett, membre de la mission humanitaire de l’Unicef au Soudan contacté par la rédaction des Observateurs, l’afflux de réfugiés généré par la chute de la ville sera très difficile à prendre en charge :

"Il y a un nombre très important de déplacés. C’est un désastre humanitaire. Ces trois derniers jours, nous avons dû prendre en charge des milliers de civils qui ont quitté la ville d’El-Facher pour se rendre dans les villages voisins ou dans le camp de réfugiés de Tawila.
Les déplacés qui arrivent jusqu'à nous sont totalement épuisés et sans ressources. Pendant le siège de la ville, les Forces de soutien rapide ont coupé toute aide humanitaire en empêchant notre organisation et d’autres d’accéder à la ville. Cela fait des mois qu’il n’y a pas de nourriture, de médicaments ni d’eau à El-Facher. Les civils assiégés mangeaient de la nourriture pour animaux.
De plus, des témoignages affirment que les FSR demandent de grandes sommes d’argent pour laisser les gens fuir la ville. Les gens qui ont pu fuir la ville sont donc ceux qui étaient en capacité de payer pour s’en aller. Ce sont donc les populations les plus vulnérables qui sont restées sur place.
Nous pouvons parfois entrer en contact avec des habitants de la ville, mais c’est complexe à cause du black-out des communications, mais aussi des confiscations de téléphones."

Depuis la prise de la ville, les Nations unies multiplent les alertes. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres, appelle à la mise en place d’un couloir humanitaire à El-Facher.

Auteur: France 24
Publié le: Vendredi 31 Octobre 2025

Commentaires (4)

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    Mamadou il y a 6 heures

    oh pas de commentaires de mes moutons panafricains..........sinon merci le site pour ce contenu

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    galsen il y a 3 heures

    L'union africaine doit jouer son rôle. On ne peut pas laisser 2 militaires saccager tout un pays. Quand j'ai vu un bombardier décoller pour aller bombarder son propre pays j'ai eu peur pour le soudan. cette guerre continue et les dirigeants africains ne font rien. La paix au soudan et en RDC doit être plus prioritaire pour nous africains que la guerre en ukraine ou au palestine.

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    Afrique il y a 6 heures

    Thiey africain mo sokhor ci moromou africain wam. Non, l'Afrique est maudite. Black nonou Black, Black and Black.

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    Gankal il y a 6 heures

    Après la Lybie voilà ce que l'occident a fait du Soudan.

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    Kheuch il y a 5 heures

    Panafricon. Ce sont des soudanais qui massacrent d'autres soudanais pour s'emparer du pétrole.

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    Affreux jojo il y a 6 heures

    C est les français il faut appeller les russes pour nous aider ils sont t plus zentils

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