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8 novembre : le Sénégal à la croisée des ruptures (Félix Atchade)

Auteur: Félix Atchade

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8 novembre : le Sénégal à la croisée des ruptures (Félix Atchade)

À la veille du rassemblement de PASTEF où Ousmane Sonko doit s’adresser au pays, le Sénégal entre dans un moment de vérité. Entre les attentes du peuple, les hésitations du pouvoir et la profondeur des défis à venir, se joue plus qu’un tournant politique : la fidélité ou le reniement d’une révolution.

À la veille du TERA meeting de PASTEF prévu ce 8 novembre, où Ousmane Sonko doit faire une déclaration que d’aucuns annoncent décisive, le Sénégal retient son souffle. Depuis l’élection du 24 mars 2024, le pays vit dans une étrange tension entre espoir et attente. Le peuple, victorieux des urnes, observe désormais un pouvoir hésitant à se définir.

Les atermoiements du président Bassirou Diomaye Faye, jusque-là perçus comme une prudence tactique, prennent aujourd’hui la forme d’un malaise politique plus profond : celui d’un État en transition qui peine à choisir sa ligne de front. Et dans ce silence, les impatiences montent. Ce 8 novembre pourrait bien être le moment de vérité — celui où se mesurera la cohérence entre les promesses de la rupture et les lenteurs du pouvoir.

Le contexte ne saurait être minimisé. Comme je le soulignais dans un récent billet, le débat sur la « haine » et la « vengeance » orchestré par les ralliés de la vingt-cinquième heure n’est qu’une diversion : le vrai problème n’est pas moral, il est politique. Il tient à la direction que doit désormais prendre le pays, et à la capacité du pouvoir de rester fidèle à son mandat populaire — celui de reconstruire le Sénégal sur des bases souveraines, sociales et panafricaines.

Un État prisonnier de ses formes

Le premier défi du Sénégal est d’ordre structurel. L’État sénégalais demeure colonial dans son architecture : centralisé, bureaucratique, régi par un droit et une langue qui le rattachent encore à la matrice française.

La continuité du franc CFA, les accords de défense et les réflexes technocratiques de la haute administration illustrent cette dépendance. L’audit des finances publiques et la révélation de la dette cachée de 4 300 milliards FCFA ont mis à nu un système politique où l’État servait d’abord les créanciers avant de servir les citoyens.

La rupture institutionnelle annoncée par le Président Bassirou Diomaye Faye suppose donc plus qu’une bonne gouvernance : elle exige une refondation historique. Ce n’est pas seulement la manière de gérer qu’il faut changer, mais la manière de concevoir le pouvoir. Tant que les institutions resteront extraverties, la souveraineté demeurera un mot d’ordre et non une réalité.

Économie : produire pour vivre ou importer pour survivre

Sur le terrain économique, le choix est tout aussi tranché. Depuis plus d’un demi-siècle, le Sénégal vit selon le schéma de l’économie extravertie décrit par Samir Amin : exportation de matières brutes, dépendance aux importations alimentaires, endettement chronique, domination des bailleurs.

Le Plan Sénégal émergent (PSE) de Macky Sall, censé moderniser le pays, a surtout accru la dépendance financière et élargi le fossé social.

Le nouveau pouvoir a amorcé une inflexion : souveraineté alimentaire, industrialisation nationale, contrôle du contenu local dans les hydrocarbures. Mais cette orientation se heurte à la rigidité du cadre monétaire, à la pression des institutions de Bretton Woods et à la résistance des élites administratives.

Le choix est existentiel : produire pour vivre ou importer pour survivre. Et cette décision ne se prendra pas dans les bureaux, mais dans les champs, les ateliers, les écoles et les ports — là où se fabrique la richesse réelle.

Diplomatie et géopolitique : entre prudence et audace

Sur la scène régionale, le Sénégal joue une partition délicate. Au moment où la CEDEAO se fissure, où l’AES s’affirme comme un pôle alternatif, Dakar tente de concilier médiation et fermeté.

La diplomatie sénégalaise revendique une neutralité active : dialoguer avec tous, mais ne se soumettre à personne. La France, l’Allemagne, la Chine, la Turquie, la Russie, l’Arabie Saoudite, etc. ; — tous veulent leur part du « nouveau Sénégal ». Le pays cherche, dans cette mêlée, à bâtir une politique étrangère fondée sur la réciprocité et la dignité.

Mais l’équilibre est précaire. Une erreur d’orientation, et le pays pourrait retomber dans la vassalisation ou l’isolement. Le 8 novembre devra donc aussi être un moment de clarification géopolitique : dire clairement avec qui et pourquoi nous voulons coopérer.

Les forces sociales de la souveraineté

Le sort du projet dépend désormais de la société sénégalaise elle-même. Trois forces peuvent ou non faire basculer l’histoire.

La première est la jeunesse, immense et impatiente, qui a fait tomber le régime de Macky Sall. Elle a soif de participation, non de clientélisme ; de dignité, non d’assistanat. Le risque est qu’elle se sente trahie si le pouvoir ne lui ouvre ni l’économie ni la parole.

La deuxième est la classe laborieuse — ouvriers, paysans, fonctionnaires modestes, pêcheurs, transporteurs — qui porte silencieusement le pays. Sans leur mobilisation, la politique de production et de redistribution restera un vœu pieux.

La troisième enfin, c’est l’intelligentsia critique, celle qui relie la pensée à l’action : universitaires, artistes, journalistes, militants. Leur rôle est de redéfinir le récit national, de donner un sens à la rupture et de défendre la cohérence du projet face aux tentations bureaucratiques ou opportunistes.

Le dilemme du pouvoir

Le Sénégal doit choisir entre deux voies. Celle du réformisme prudent, qui rassure les partenaires extérieurs, mais déçoit le peuple ; ou celle du réalisme révolutionnaire, qui assume les tensions pour reconstruire sur le long terme.

Le président de la République, jusqu’ici, oscille entre les deux : il mesure ses mots, ménage les uns, temporise avec les autres. Mais à force d’équilibre, on risque l’immobilisme. Comme l’écrivait Chroniques sénégalaises : « Rompre le silence, c’est retrouver le sens. » Le pays attend un cap.

Le 8 novembre ne sera pas un simple rassemblement partisan. Il peut devenir un moment de bascule : soit le pouvoir assume la profondeur de la rupture, soit il se laisse engloutir par la routine d’État. Les choix à venir — économiques, diplomatiques, institutionnels — détermineront si le Sénégal reste prisonnier de la dépendance ou s’engage dans la souveraineté réelle. Mais l’histoire, elle, n’attend jamais : elle passe ou elle se venge.

Nous faisons confiance à Ousmane Sonko, président de PASTEF, pour trouver les mots justes et prendre la pleine mesure des enjeux. Il connaît le souffle du peuple, parce qu’il en est le fruit et la voix. Il est le souffle même de cette révolution, celle qui ne se mesure pas à la durée d’un mandat, mais à la profondeur d’une espérance collective : celle d’un Sénégal debout, lucide et souverain.

Auteur: Félix Atchade
Publié le: Vendredi 07 Novembre 2025

Commentaires (18)

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    khoulli il y a 13 heures

    J'ai arrêté lire quand tu as écrit "ousmane sonko doit s'adresser au pays". il s'adresse à ses moutons, ce berger égaré....

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    Patriote il y a 13 heures

    Tout à fait d'accord avec toi . Un vrai berger égaré

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    Rester lucide il y a 13 heures

    Oui à la rupture avec les pratiques du pouvoir battu aux urnes
    Oui à la reconstruction du pays et des mentalités
    Mais attention:
    Non à l’aventurisme révolutionnaire et diplomatique ni à la remise en cause de notre démocratie.
    Pas de place pour un populisme dont on sait qu’il a existé dans les années 70 et qu’il n’a mené à rien
    On souhaite que Sonko réussisse mais dans la lucidité et la tolérance en sachant que Pastef n’a ni le monopole de la vérité ni celui du patriotisme
    Et s’il faut trouver des compétences ailleurs que dans ce parti, il faut aller les chercher
    Il y a des gens propres et compétents qui ne sont pas des militants

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    Ndiaye il y a 13 heures

    L’opposition n’est pas crédible
    Le pouvoir doit toujours faire attention à lui-même

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    Tioketian il y a 13 heures

    Qu’on ne nous parle plus des gens qui œuvre pour diviser Diomaye et sonko. Si les gens parviennent à diviser deux gros gaillards qui ont tout vécu c’est parce que il y’a problème et le problème c’est sonko qui fait dans le réwantou. Nous savons tous que c’est Dieu qui a fait de sonko ce qu’il est (adoré par la jeunesse) mais Dieu n’aime pas ceux qui se mesure à lui et sonko se crois comme un demi Dieu en oubliant le pouvoir de l’humain est éphémère. Il a dénigrer Diomaye publiquement et continue dans le matey oubliant qu’il doit au sénégalais un dévouement dans ce qu’il fait. Un bon croyant ne se comporte pas comme il le fait.(oups j’avais oublier que c’est lui l’homme qui avait laisser ses deux épouse pour aller se masser chez la nymphe) Qu’il ne démissionne surtout pas pour après se victimiser après.
    Diomaye de grâce il ne faut surtout pas le dégommer parce que ce sera pour lui un échappatoire. Il doit assumer ce qu’il a fait

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    Lama il y a 13 heures

    Sonko s adresse au pastef et non au peuple et pourtant c’est le peuple qui les a elus

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    La. Nd. il y a 13 heures

    Si tu veux vraiment avoir un peu de crédibilité, il faut venir ici au Sénégal au milieu des millions de personnes qui n’ont rien pour raconter tes fausses histoires de révolution. Des personnes comme toi sont pires que tous les voleurs de ce pays car eux au moins ne racontent pas des salades pour masquer la haine, l’opportunisme et les frustrations qui les rongent.

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    Coup d’état en téléchargement il y a 13 heures

    J’espère qu’il n’organise pas un coup d’état contre Diomaye. C’est qui a dit qu’il y’aura un avant et un après 8. Et rien ne sera comme avant. L’armée et la sécurité de Diomaye doivent redoubler davantage vis à vis de Sonko. Il le voulait avec Macky Sall, le sortir du palais. Et là il a tout sur un plateau d’argent, il a déjà phagocyté la république en proposant ses hommes partout, en plus il croit dure comme fer que le fauteuil présidentiel c’est pour lui

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    Lol il y a 13 heures

    Diomaye a troqué depuis Mathusalem le projet,comment une personne qui affirmait lui même d'avoir combattu 10 ans pour élire Sonko et que ce dernier s'est combattu seulement 10 jours pour élire pleut il continuer d'être président ? Logiquement s'il était cohérent il aurait dû démissionner et organiser des élections anticipées.Deuxieme trahison de Diomaye c'est qu'il a battu campagne avec son balai sur le thème de la reddition des comptes mais une fois au pouvoir il nous parle de réconciliation .Troisieme points de trahison il decorè le magistrat Ciré Aly Ba qui sur ordre de Macky a empêché Sonko d'être candidat en 2024.Quatrieme points Diomaye nommé des kulunas a des postes de responsabilité.Ce qui est triste certains moutons continuent de dire Diomaye Moy Sonko continuer de rêver toujours Diomaye va vous surprendre

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    Dieu est Grand il y a 12 heures

    Le chef de parti nommé ousmane sonko va s'adresser aux membres de son parti, à ses inditionnels comme à ceux du parti qui vivent le doute aujourd'hui ou la deception. Courage à l'auditoire

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    sow il y a 12 heures

    les moutons peuvent rêver SONKO ne sera jamais président, il est trop clivant et revanchard

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    saa il y a 11 heures

    Moi, je suis de pastef mais sincèrement, je veux la rupture totale avec diomaye faye et je ne souhaite pas qu'il met les pieds au meeting du 08 au risque d'être hué, car il ne fout rien labas. On ne force pas une amitié, on ne force pas une relation, on ne force pas une alliance. Ce que je suis en train de voir entre sonko et diomaye c'est une amitié dégradée qui est en train d'être forcé par des négociateurs hypocrites dans l'ombre.
    Ce qui se passe est de la responsabilité unique de diomaye faye qui par des manœuvres souterraines et sournois est en train de liquider sonko en silence avec l'influence des occidentaux surtout la France. Pour moi diomaye faye n'a jamais été dans ce projet et ces actes au quotidien depuis qu'il est au pouvoir à travers la justice sur la reddition des comptes, rendre justice aux martyrs, le balayage du système, etc. le prouvent nettement.
    Et la non tenue de ses promesses de campagne pour des raisons inavouées a permis à l'apr et Macky Sall de se réorganiser alors qu'aujourd'hui, ils devraient croupir en prison vu tous les dégâts qu'ils ont commis dans ce pays.
    diomaye faye est un lâche au service de la France qui a caché son jeu jusqu'à prendre le pouvoir. Et sonko et le pastef ont tout à perdre en restant avec ce diomaye faye qui a déjà vendu son âme au diable.
    Ce serait un suicide politique pour sonko et pastef de rester avec diomaye faye car ils vont tout perdre en 2029.

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    KLM il y a 11 heures

    Se remobiliser, faire face aux contre-révolutionnaires et sauver notre révolution. J'ai confiance

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    Anonyme il y a 11 heures

    «Rester dans la dépendance ou s'engager dans la souveraineté». Nous sommes à la croisée des chemins

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    CITOYEN il y a 11 heures

    L'auteur a tout dit dés les premières lignes de son texte quand il parle d'atermoiements du Président. Moi j'y ajouterais , les louvoiements du Président. En fait, le président fait une mauvaise lecture de son élection et appréhende mal ses fonctions.
    Je pense qu'il se considère comme un président normal, c'est à dire, un président qui est allé à la rencontre de son peuple, forcé son destin, fait campagne sur son nom et gagné l'élection. Or il n' en est rien de tout cela. Inutile de revenir sur les conditions de son élection et le pourquoi il a été le candidat de PASTEF. Je me contenterai de dire qu'en mars 2024, Diomaye n'a été que le réceptacle des voix destinées à Sonko. La conséquence est qu'il est certes le président légal mais c'est Sonko qui détient la légitimité. Et en démocratie, le facteur dominant est la légitimité. C'est ce qui suscite l'engouement et l'adhésion du peuple à toute décision d'un pouvoir. On a pu lui faire croire le contraire, c'est une erreur .
    De plus, Diomaye se trompe dans sa façon de présider le pays. Certes les sénégalais ont longtemps souhaité avoir un Président au-dessus des partis politiques. Cela signifie t-il un Président apolitique ? Assurément non. Le président a le droit d'être partisan (au sens d'appartenir à un parti politique), de manifester par des actes son appartenance à un parti politique. Par exemple, rencontrer les parlementaires de sa famille politique, échanger avec eux sur le sens qu'il entend donner à son mandat, la philosophie entourant les textes que l'exécutif entend leur soumettre etc.... Le Président peut aussi échanger avec les structures de son parti comme le conseil national, le bureau politique. Cela permettrait à ces structures en sus des parlementaires d'être son relais sur le terrain auprès des populations. Or depuis son élection , sauf erreur de ma part, le Président n'a rien fait de tout cela. Choix délibéré ou méconnaissance du rôle véritable qui doit être le sien ?
    Il n'est pas encore trop tard pour lui, de rectifier le tir, de se souvenir des raisons de son élection. Diomaye a été élu pour renverser la table, pas pour pactiser avec l'ancien système. Son salut réside dans une bonne entente avec le détenteur de la légitimité qu'est Sonko. Les alliés de la vingt cinquième heure comme le rigolo de Awalé ne doivent pas l'éloigner des révolutionnaires de mars 2021 à mars 2024. Vive le peuple !!!!!

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    Milk il y a 11 heures

    Ce texte de Felix Atchade est un torchon rempli d'idées rétrogrades, de concepts creux drapés d'un souverainisme fictif et utopique. Ce sont ces types d'idées véhiculées par les partis anarcho-populistes comme pastef qui ont conduit le pays dans l'impasse actuel que nous vivons. Et ce n'est malheureusement que le début. Jamais le Sénégal n'a été dans une telle situation catastrophique sur tous les plans depuis les indépendances. L'hypocrisie de certains pseudo intellectuels a des effets dévastateurs sur les couches populaires qui seront les 1ers à être balayés, écrasés par la paupérisation généralisée. Le réveil sera brutal pour beaucoup. Wait and see

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    Réponse à Milk il y a 10 heures

    Tu es marrant toi. "Jamais le Sénégal n'a été dans une telle situation catastrophique" . Vas au bout de ton raisonnement. Qui est la cause de tout cela. J'espère que tu n'accuses pas celui qui depuis 2017 tire la sonnette d'alarme. J'espère que tu n'accuses pas celui qui dès après mars 2024 a révélé que le pays était au 4ème sous-sol. En revanche je suis sûr que tu es de ceux qui disent qu'il y a pas de dette cachée. C'est clair, il y a pas pire aveugle que celui qui ne veut voir

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    Méchant il y a 10 heures

    Que faire d un pays avec une jeunesse majoritairement inculte et feneante qui ne pense qu a l argent facile et qui ne sait pas planter un clou

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    Abdoul il y a 6 heures

    Ce cher Félix Atchade vit il au Sénégal ou au sein de ces anciennes puissances coloniales ? Ca serait intéressant de le savoir....

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