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MA LECTURE DU 8 : Le bras de fer silencieux (Par Sidy Diop)

Auteur: Senewebnews

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MA LECTURE DU 8 : Le bras de fer silencieux (Par Sidy Diop)

Ousmane Sonko a parlé, et le pays retient son souffle. Ce samedi 8 novembre, le parking du stade Léopold Sédar Senghor s’est transformé en chaudron politique. Des milliers de militants entassés, les yeux brûlants de ferveur, la gorge nouée d’attente. Le chef de file de Pastef a renoué avec ses accents de tribun. Reddition des comptes, justice pour les martyrs, refondation morale du pouvoir : les refrains connus, scandés comme des mantras. Mais derrière la musique du verbe, une mélodie plus subtile se glisse, presque dissonante.

Sonko n’a pas seulement parlé au peuple. Il a aussi parlé à son frère d’armes, devenu président, Bassirou Diomaye Faye. Et, dans ce langage codé où chaque mot pèse son poids de stratégie, le message est clair. Hier, le tribun ne s’est pas contenté de galvaniser sa base. Il a redessiné les contours du pouvoir.

Car Sonko n’a jamais été homme à s’effacer. En politique, il applique la maxime de Machiavel : « Il est plus sûr d’être craint qu’aimé, si l’on ne peut être les deux. » Le leader de Pastef a rappelé, sans le dire, que la force électorale lui appartient, que le souffle de la victoire porte encore son empreinte. En filigrane, c’est une mise au point : la présidence appartient à Diomaye, mais la légitimité populaire reste entre les mains du fondateur.

Cette tension feutrée entre deux amis d’hier, deux frères d’armes, rappelle les duels classiques du pouvoir. Dans toute révolution, la fraternité s’use au contact de la réalité. Derrière les sourires de façade, la lutte pour le sens s’engage. Pastef n’entend plus servir d’appendice au pouvoir, mais en redevenir la matrice. La coalition « Diomaye Président » est appelée à disparaître, au profit d’un mouvement recentré sur l’idéologie sonkiste. Et cela ne trompe personne, la pression monte sur le chef de l’État.

L’image est forte. Diomaye, président légitime, mais désormais cerné par une attente dévorante. Sonko, général de l’ombre, brandissant la bannière du peuple trahi. Les mots du meeting sonnent comme des avertissements enveloppés de ferveur. « La rupture ne viendra pas de moi », a-t-il laissé entendre. Manière de dire : « si le compagnonnage casse, ce ne sera pas par sa faute ».

L’histoire regorge de ces couples politiques où l’un conquiert le pouvoir et l’autre l’inspire. Mais cette inspiration peut devenir emprise. De Gaulle avait prévenu : « On ne fait rien de grand sans de grands hommes, mais ceux-ci le sont pour l’avoir voulu. » Diomaye, à sa manière, veut incarner la continuité apaisée, la rigueur sans la vindicte. Il gouverne dans le silence, préférant les actes aux discours. Sonko, lui, croit à la parole performative, à la flamme qui soulève les foules. Deux styles, deux légitimités, deux temporalités du pouvoir.

Le 8 novembre a donc marqué plus qu’un simple retour de tribune. C’est un test d’autorité. Entre les deux hommes, une invisible ligne de partage se dessine. Sonko revendique la fidélité à un projet, Diomaye celle à un État. L’un parle au peuple, l’autre à la République. L’un veut garder la main, l’autre veut tenir le gouvernail.

Au fond, Sonko cherche à rappeler qu’il n’a pas livré le pouvoir pour le voir se diluer dans les routines administratives. Il veut que la révolution promise reste vivante, même dans les arcanes du palais. Mais gouverner, c’est trahir un peu ses rêves, les traduire dans le langage des contraintes. Et c’est là que tout se joue, dans l’écart entre la ferveur militante et la lenteur institutionnelle.

Les images de cette soirée resteront gravées : les poings levés, les drapeaux tricolores , la houle humaine, les slogans en cascade. Un meeting comme un retour de flamme. Mais aussi comme une menace muette. Car si le peuple de Pastef se sent délaissé, il pourrait vite redevenir une force d’opposition. Le président marche donc sur un fil tendu entre loyauté et autonomie.

La rupture, dit Sonko, ne viendra pas de lui. Manière habile de placer la responsabilité ailleurs, d’allumer la mèche tout en gardant l’allure du sage. Mais dans les faits, le bras de fer est engagé. Diomaye devra choisir : s’aligner sur le souffle de son mentor, ou affirmer une présidence indépendante, quitte à perdre une part de sa base. Dans les deux cas, la tension promet de durer.

Le peuple, toujours invoqué, voit ces deux visages du pouvoir s’observer comme des miroirs inversés. L’un reflète la flamme, l’autre la raison. Et tous deux savent qu’ils ne peuvent se renier sans se perdre. Le Sénégal entre dans une zone de turbulence où le verbe peut redevenir arme, et où les promesses de rupture risquent, une fois encore, de se briser sur le roc du pouvoir.

À l’heure où la ferveur se mue en impatience, Sonko garde la parole, Diomaye garde la charge. L’histoire donnera le nom de celui qui en écrira la suite.

Par Sidy Diop, journaliste et écrivain

Auteur: Senewebnews
Publié le: Lundi 10 Novembre 2025

Commentaires (11)

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    Bfn il y a 16 heures

    Sonko n'a pas d'égal en politique dans le monde

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    observateur il y a 16 heures

    Sonko is just amazing , sonko est juste exceptionnel , c est un don de DIEU ..

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    James le juif il y a 16 heures

    Comment est mort Machiavel, tu le sais ! Ses théories politiques se sont retournées contre lui ! Il est mort en prison de manière atroce ! Jean Jacques Rousseau disait " Machiavel en voulant donner des leçons aux rois, il a en donné aux peuples" ! Je suis passé un jour à Perugia en Italie devant l'institut des études machiavéliques et j'ai compris qu'il ne suffit pas lire Machiavel pour le comprendre, mais l'avoir étudié ! J'aimerais plus attiré l'admiration des personnes que de les faire peur ! Les théories de politiques machiavéliques ne peuvent pas et doivent pas s'appliquer dans un pays comme le Sénégal, ils ne correspondent pas à nos valeurs Socio-culturelles et religieuses ! Vois-tu , nous sommes un pays de Massalah " de l'arbre à palabres" . Nous le pays de Serigne Touba qui nous a donné et laissé un héritage inépuisable ! Le pays de Cheikh Anta Diop ! Vous avez la paresse intellectuelle de faire des recherches, vous étudiez pour trouver du travail et assurer votre sécurité sociale ! Vous n'avez pas le goût du risque et du sacrifice de soit pour votre pays et les générations futures !
    Mais hélas Sonko révélateur de détournements de derniers publiques qu'à t'il apporter aux sénégalais ? Vous vous trouverez la réponse fait moi signe !
    Pape Allé Niang n'était pas vraiment un militant du PASTEF mais un défenseur de la justice et un combattant de l'injustice ! 🙏

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    FOCUS il y a 14 heures

    FOCUS

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    lamine il y a 14 heures

    Sonko est un menteur et un manipulateur. Diomaye devait le virer.

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    S8le e sur madiambal il y a 13 heures

    Si ko a dénoncé tous azimuts, aminata touré, mam mbaye niang et même un peu diomay lui-même, mais il n'a pas osé, comme l'a défié madiambal, évoqué même avec légèreté l'affaire madiambal. Trop gros à avaler ce journaliste là. Vive madiambal !!!

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    Kamou il y a 12 heures

    James le Juif,

    Je n’ai pas encore lu la contribution de Sidy Diop, je le ferai plus tard. Tu comprends mal Machiavel. Tu as supprimé un élément essentiel de la citation de Rousseau, ce qui en change complètement le sens. Rousseau dit de Machiavel : "EN FEIGNANT de donner des leçons aux rois, il en a donné de grandes aux peuples2, et plus loin, il ajoute : 2Le Prince de Machiavel est le livre des Républicains" (pas le livre des tyrans).

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    Correction il y a 12 heures

    Rousseau dit de Machiavel : "EN FEIGNANT de donner des leçons aux rois, il en a donné de grandes aux peuples", et plus loin, il ajoute : "Le Prince de Machiavel est le livre des Républicains" (pas le livre des tyrans).

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    Kamou il y a 12 heures

    En apparence, Machiavel semble enseigner aux rois et aux princes comment regner, y compris par la ruse, la manipulation et la cruaute. Mais selon Rousseau, et selon les historiens majeurs de la philosophie, Machiavel ne cherchait absolument pas a conseiller les tyrans. Il voulait reveler aux peuples la nature reelle du pouvoir despotique et démasquer les mecanismes de la tyrannie. Au lieu donc d’un manuel pour les tyrans, l'ouvrage : Le Prince est en fait un livre d’avertissement pour les citoyens. Machiavel prétend instruire les rois sur la maniere de garder le pouvoir, mais en realité il dévoile asticieusement leurs méthodes pour que le peuple apprenne à s’en méfier. Seulement, il n’osait pas le faire trop ouvertement.

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    Kamou il y a 12 heures

    Machiavel a adopté une ecriture ambigue par nécessité et par strategie. Dans le contexte dangereux de la Renaissance italienne, il ne pouvait pas critiquer ouvertement les princes sans risquer la censure ou sa vie. Il a donc feint de leur donner des conseils, tout en profitant de cette apparente complaisance pour dévoiler au peuple auquel le livre etait accessible, les rouages du pouvoir et les ruses de la tyrannie. Pour les specialistes de Machiavel, Le Prince un avertissement adressé aux peuples plutôt qu’un manuel pour les souverains. Tu fais une erreur en pensant l'inverse.

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    Kamou il y a 12 heures

    Cela dit, je ne suis pas philosophe. Ce ne sont là que mes réminiscences du bon vieux temps, quand, apres une prépa scientifique, ayant du temps devant moi, j’ai consacré une annee à suivre, auprès d’excellents specialistes, des cours totalement étrangers aux études auxquelles je me destinais. "Das war, die schöne gute alte Zeit" (comme disent les Allemands). ;)

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