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Rufisque : Ville morte, Vies fortes…( Par Nafissatou Diouf )

Auteur: Nafissatou Diouf

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L’effervescence de la Tabaski  aidant, ma ville est devenue, ou plus exactement redevenue, la ville que j’aime : bruyante, souriante, rehaussée de cette aura caractéristique  des grandes villes. En somme pleine de vie. 

Lendemain de Tabaski.  Changement de  décor, changement de  perspective ! La moue est à peine voilée  chez mes concitoyens. La perspective des lendemains de fête où les poches sont presque trouées ? Même si cette éventualité est fort plausible, beaucoup l’avouent sans sourciller : c’est plutôt  le  présent qui les  étouffe. 

Ville dortoir, repliée sur elle-même,  ville morte  devrais-je  dire en pesant  bien mes mots, Rufisque croule sous le poids des années et de son  passé…glorieux.

L’une des quatre communes du Sénégal pré-indépendance, riche de ses usines, (on peut en citer à la pelle : Bata, SOFAC, Vq Petersen, Chaux et Ciment , Tropical, Valda, Gina, etc.), a bien changé de visage. Que reste-t-il de cette liste loin d’être exhaustive ? Où sont passées ces fleurons de l’économie, dont la seule évocation ressuscite, chez les septuagénaires et plus jeunes (ils sont témoins de ce passé récent !) des souvenirs bien agréables. Ceux d’un temps où  la dépense quotidienne était assurée, non pas au jour le jour, mais bien un mois à l’avance  et où, dans la liste des ravitaillements pour la maison, on comptait jusqu’au pot de lait  Gloria qui est passé, depuis bien longtemps, au statut de produit de luxe   dans bien de familles au revenu modeste, pour ne pas dire inexistant.  Ce que cette génération regrette par-dessus tout, c’est  la vitalité  perdue de  Rufisque ; perdue avec la disparition de ces entreprises.  

Elles sont  mortes de leur belle mort. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir livré un combat épique contre la mondialisation. De cette liste non exhaustive, trois se sont maintenues.  L’une d’elles est d’ailleurs devenue une grande multinationale, avec une position confortable dans son domaine d’activité  jusque dans la sous-région, la cimenterie,  et a même changé de nom. Quid des autres ? Elles n’ont pas eu la même baraka et n’ont pas bénéficié d’une bonne politique de reprise. 

Première conséquence de cette  léthargie ? Le chômage.

 En me passant des statistiques, le constat n’en est pas moins  éloquent , la jeunesse de ma ville  réclame  un programme d’ajustement structurel au risque de sombrer dans l’oisiveté ! Cette dernière est bien le lot de la plupart des trentenaires et moins ; l’âge par excellence ou on construit son avenir. Mais quel avenir  pour cette population  la plus représentative ?  La plupart ne connait  malheureusement pas la réponse. Les autres veulent encore y croire, se débrouillent  comme ils peuvent,  à chaque jour suffit bien sa peine ! Mais jusqu’à  quand ?  La réponse ne viendra pas des autres, mais bien des Rufisquoises et Rufisquois eux-mêmes. Ils en ont la possibilité  et  l’intellect. Quid de la volonté ?  La première volonté, elle est en chacun de nous. C’est d’abord de nous départir  de cette  habitude pessimiste  qui pousse ceux qui ont changé de position sociale à aller  habiter  à Dakar (l’attrait de la capitale n’est pas que l’apanage de mes cousins baol baol, encore que ces derniers  sont fiers de construire dans leur patelin une fois nantis)   et ne daignent même  pas embellir nos demeures familiales d’abord, qui  nous ont vus, pour la plupart, naître, grandir et gravir les échelons. Les autres, la masse est obligée d’avoir un pied-à-terre dans la capitale, pour ne pas se taper deux heures de trajet à l’aller et au retour, à cause des bouchons interminables (vivement  la fin des travaux de l’autoroute à péage, pour qu’on voit le bout du tunnel !) Je ne parle pas  de cette diaspora  qui brille de mille feux un peu partout dans le monde. Sa  production intellectuelle est prisée  et coûte chère.  Nous lui demandons de la mettre gratuitement à la disposition de sa  chère  ville, puisqu’il  y a bien matière.

 La première à pétrir, c’est celle de replacer Rufisque  sur l’échiquier des grandes villes du Sénégal, en faire un pôle industriel capable de tirer l’économie nationale vers le haut. Pour cela, pas besoin d’être Einstein, il faut redynamiser le tissu social en freinant la fuite des cerveaux (ça coûte cher !), attirer les investisseurs  pour aboutir à une belle reprise  des activités avec, en toile de fond, une valeur ajoutée certaine : la géographie de la ville.  La vielle citée est en effet bien gâtée par dame nature avec plusieurs kilomètres de côte, qui ne demandent  qu’à être valorisés.  Une politique d’aménagement hardie  de la ville est plus qu’urgente. Osons le pari de l’originalité, rêvons d’un peu plus et de beaucoup mieux, pour nos villes ! Pourquoi ne pas construire une promenade des Anglais, avec de la valeur ajoutée s’il vous plaît (puisque les opérateurs privés seront invités à rentabiliser les lieux et on pourra même réfléchir autour d’un Fonds des Riverains, pour créer une synergie  à cette dynamique) version chez Mame Coumba Lamba  !  Au passage, je demande à cette  sympathique dame, qui garde jalousement cette tradition bien léboue, d’aider nos politiques  à y voir un peu plus clair…Jusque-là, il me semble qu’ils ont raté le coche  pour cette ville, qui mérite d’être classée patrimoine mondial de l’UNESCO pour bien des  raisons. Ce sera l’objet d’une prochaine chronique.

J’oubliais : Dewenati !

  1.Actuelle SOCOCIM

 2. Nom du totem de la ville de Rufisque

Nafissatou Diouf

Journaliste

Doctorante en Lettres

Auteur: Nafissatou Diouf
Publié le: Jeudi 18 Novembre 2010

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