Sonko, la justice et le peuple : le Sénégal face à un choix historique (par Dr Cheikhabdou Lahad MBACKE)
L’affaire judiciaire opposant Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang a dépassé depuis longtemps le simple cadre d’un contentieux en diffamation. Elle est devenue un révélateur des tensions profondes entre justice, politique, médias et souveraineté populaire au Sénégal. À l’horizon de la présidentielle de 2029, la question de l’inéligibilité de l’un des leaders politiques les plus populaires du pays pose un dilemme majeur : faut-il s’en tenir strictement à la décision judiciaire ou tenir compte de la volonté populaire pour préserver la stabilité nationale ?
La presse : entre information et influence
Dans cette affaire, la presse sénégalaise, notamment en ligne, a joué un rôle déterminant. En relayant massivement les procédures, les déclarations et les polémiques, elle a contribué à structurer l’opinion publique. Mais cette médiatisation intense a parfois brouillé la frontière entre information et prise de position.
Comme l’expliquait le philosophe Jürgen Habermas, la presse est un pilier de l’« espace public », c’est-à-dire le lieu où se forment l’opinion et la volonté politique. Lorsqu’elle s’éloigne de l’équilibre et de la rigueur, elle peut accentuer la polarisation et transformer un procès judiciaire en affrontement politique permanent.
La justice et l’État de droit : un principe non négociable
Dans toute démocratie, l’État de droit repose sur un principe fondamental : nul n’est au-dessus de la loi . Le juriste Hans Kelsen rappelait que l’autorité de l’État repose avant tout sur le respect des normes juridiques. À ce titre, si une condamnation est légalement établie et confirmée par les juridictions compétentes, elle doit produire ses effets, y compris l’inéligibilité.
Remettre en cause une décision de justice uniquement en raison de la popularité d’un acteur politique ouvrirait la voie à une dangereuse relativisation du droit et fragiliserait les institutions républicaines.
La volonté du peuple : une légitimité politique incontournable
Cependant, la démocratie ne se limite pas à la légalité formelle. Elle repose aussi sur la légitimité populaire . Ousmane Sonko incarne, pour une partie importante de la population, une alternative politique crédible, notamment pour la jeunesse. Son exclusion du jeu électoral est perçue par ses partisans comme une confiscation du choix démocratique.
Le politologue Robert Dahl rappelait qu’une démocratie réelle suppose une compétition ouverte entre alternatives politiques. Lorsque des candidats majeurs sont écartés, le sentiment d’injustice et de frustration peut alimenter la contestation et l’instabilité.
Un faux dilemme
Opposer justice et volonté populaire est en réalité un faux débat. Le véritable problème réside dans la confiance accordée aux institutions. Comme le souligne Pierre Rosanvallon, la légitimité démocratique repose autant sur la légalité que sur la confiance. Une justice perçue comme indépendante est mieux acceptée, même lorsqu’elle rend des décisions difficiles.
À l’inverse, toute suspicion d’instrumentalisation judiciaire, amplifiée par une presse partisane, fragilise la cohésion nationale et nourrit la défiance envers l’État.
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Quelle issue pour la stabilité du Sénégal ?
La stabilité du Sénégal à l’horizon 2029 ne dépendra pas uniquement de la candidature ou non d’Ousmane Sonko. Elle dépendra surtout de la capacité du pays à :
* garantir une justice indépendante et crédible,
* promouvoir une presse responsable et équilibrée,
* préserver un espace politique inclusif,
* favoriser le dialogue plutôt que la judiciarisation excessive du débat politique.
Comme le rappelait Samuel Huntington, la stabilité politique repose avant tout sur la solidité des institutions. Le Sénégal est donc confronté à un choix historique : consolider durablement son modèle démocratique ou laisser s’installer une fracture entre légalité institutionnelle et légitimité populaire.
Dr Cheikhabdou Lahad MBACKE
UMBC - School of Public Policy
Mbacke23@gmail.com
Commentaires (16)
Vous avez tout dit et bien dit.
Malheureusement, les pastechiens vont passer toute cette semaine à vous insulter.
Comme à leurs habitudes.
Il n'y a jamais eu de rapport
SONKO Rékk !!
Les personnes raisonnées ne soutiennent pas une popularité basée sur la manipulation d'une jeunesse inculte et émotionnelle.
Il y a eu un rapport de 2018 du PRODAC qui a épinglé Mae Mbaye Niang qui avait même démissionné de son poste. Il y a eu beaucoup de presse et même un livre sur ce rapport. Comme le rapport n'a jamais été déclassifié publiquement, Mane Mbaye Niang passait son temps à menacer et porter plainte à quiconque avec la protection de l'état.
Quand Mame Mbaye Niang a porté plainte contre Ousmane Sonko qui avait dit qu'il était épinglé par un rapport IGF, le commissaire de la DIC a demandé au responsable de l'IGF de l'état si ce rapport existait. L'agent de l'état a dit 'Non' et c'est sur qui s'est base la Justice pour condamner Ousmane Sonko. Donc les juges n'ont pas accès a ce rapport et ont fait leur travail.
Comme premier ministre, Ousmane Sonko détient ce rapport de PRODAC de 2018 qui a épinglé Mame Mbaye Niang. Donc ce rapport existait et l’agent de l’état avait menti. Une commission avec entre eux 8 juges (dont le troisième digitaire de la cour Supreme et l'inspecteur général) ont reçu le rapport, ont revu le procès et ont reconnu que c'est un fait nouveau. Par conséquent ils ont donné un avis favorable pour la réouverture du dossier.
C'est si simple et compréhensible que ça. La volonté populaire ou l'affront a la justice n'ont rien à faire sur ce dossier.
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