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Actes contre nature à Keur Massar : La presse et la police au banc des accusés

Auteur: Mbaye Sadikh

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Actes contre nature à Keur Massar : La presse et la police au banc des accusés

L’affaire des individus interpellés à Keur Massar pour actes contre nature fait partie des actualités fortes depuis deux jours. Le traitement de cette information a révélé ce qui se fait de pire dans la presse, parfois en complicité avec la police. Sur sa page Facebook, une webtv dénommée Média Sénégal tv a publié la liste des 17 coupables présumés avec nom, âge, profession et quartier de résidence. Ce média lui-même reprend le quotidien Libération. Pourtant, Média Sénégal tv se définit comme « un média d'informations de référence sur le continent ».

Comment un média de référence à l’échelle du continent peut ignorer les règles les plus basiques en journalisme. Être dans la presse ne donne pas autorisation à publier les données personnelles d’un individu, même lorsqu’il est reconnu coupable, à forte raison lorsqu’il est présumé innocent. Or, quelle que soit la clameur populaire, ces 17 individus sont présumés innocents au sens de la loi jusqu’au jour où le tribunal prononcera leur culpabilité. Il s’agit donc d’un acte d’une extrême gravité commis à la fois par un média classique (Libération existe depuis 14 ans) et d’un nouveau média.

Pourtant, le journal Libération est censé connaître la gravité d’un tel acte. Même lorsqu’on est ‘’expert en rien’’, on doit connaître ce principe basique, surtout lorsqu’on se dit ‘’curieux de tout’’. Le plus inquiétant est que l’article est signé par Cheikh Mbacké Guissé (initiales), le Directeur de publication. CMG cumule pourtant plus de 15 ans d’activité. Ce qui veut dire que l’ancienneté requise par le code de la presse n'est pas forcément une garantie de responsabilité. En fait, ce que le journal et la webtv ne semblent pas mesurer, c’est le risque de confusion dans cette société sénégalaise où les gens sont des champions dans le raccourci et le colportage des rumeurs.

Aujourd’hui, la malchance d’avoir le même nom et la même profession qu’un présumé coupable peut faire d’un paisible citoyen le coupable parfait dans un quartier. Certains vont révéler tout le mal qu’ils connaissent de vous et même le mal qu’ils ne connaissent pas de vous, parce que simplement la coïncidence de nom et de profession fait de vous le coupable. Ainsi, un innocent qui ignore tout de cette affaire viendra alimenter « la longue liste des ‘’blessés de l'information’’ » (François-Régis Huti, ex-PDG du groupe Ouest-France). Tout cela parce que c’est intéressant pour le lecteur. Peu importe les conséquences. Huti reconnaît certes qu’il y a une attente réelle des lecteurs envers les faits divers, ce qui fait leur popularité auprès des audiences, mais il y a aussi, ajoute-t-il, ‘’une attente d'équité sociologique’’ chez les lecteurs. « S'abriter derrière des ‘’attentes populaires’’, c'est la forme souveraine du mépris », soutient-il.

La police et la justice aussi

Cependant, il faut bien admettre que la presse n’est pas le seul coupable dans cette affaire. La police est aussi au banc des accusés. Si le journaliste a pu avoir autant d’informations, c’est qu’il a pu avoir accès au procès-verbal d’audition. Certes, il peut y avoir une collaboration entre police, justice et presse, mais les règles doivent être bien définies et les limites fixées. Déjà, la police ne doit pas donner un PV. Mais au cas où elle décide de le faire, elle doit s’assurer qu’elle a affaire à un journaliste qui connaît bien son métier, autrement dit qui sait que tout ce qui lui tombe dans les mains n’est pas à publier. En journalisme, entre la collecte et la diffusion, il y a le traitement qui sépare les professionnels des amateurs. Traiter l’information suppose de la connaissance, de la rigueur, de l’éthique et de la maîtrise des techniques de cette profession.

Face à ces remarques sur les manquements, certains vont se précipiter pour dire qu’il s’agit d’homosexualité, une pratique rejeter par la société, donc pas de demi-mesure, il faut être ferme. Il est bon de rappeler que le jugement ne vient ni de la presse, ni de la police encore moins de l'opinion. Ensuite, une fois la brèche du tribunal médiatique ouverte, elle devient incontrôlable. Et demain, ce sont plus les innocents qui vont payer le prix de l’abrogation de la présomption d’innocence dans les médias.

La pratique est déjà assez répandue dans les dossiers politico-judiciaires. La presse publie les moindres détails de certains dossiers. Les concernés sont informés de certains faits au même titre que l’opinion. Et on ferme les yeux sur la frontière entre vie publique et vie privée. On aura même vu des PV circuler sur les réseaux sociaux sur un dossier d’une extrême gravité pour le pays. Tout ça parce qu’on était dans une bataille politico-médiatique. C’est pourquoi d’ailleurs Huti se demande si journalistes, avocats et magistrats ne devraient pas « choisir le silence et attendre l'audience où le principe de l'information contradictoire sera enfin restauré ? »

Il est donc temps de se ressaisir à la fois du côté des médias, de la police judiciaire et de la justice avant qu’il ne soit trop tard. La violation des règles et lois ne bénéficie à aucun des trois. Pour la presse, c’est aussi le moment de donner les statuts et les moyens adaptés aux organes de régulation et d’autorégulation. Il y va de la crédibilité de la presse mais surtout de la protection de l’honneur et de la dignité des citoyens face aux abus des médias.

PS : la police et la gendarmerie prenaient des photos d'individus arrêtés pendant qu'ils étaient de dos. De plus en plus, ils sont pris de face et certains visages sont à peine floutés (migrants arrêtés à Sokone, par exemple). Cette violence de la présomption d'innocence expose les présumés coupables et les condamne définitivement avant même la tenue d'un procès. 

Auteur: Mbaye Sadikh
Publié le: Jeudi 23 Octobre 2025

Commentaires (20)

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    Tru il y a 4 heures

    C'est vrai dé au Sénégal les noms sont les mêmes ça peut créer la confusion

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    Hola il y a 1 heure

    En tout cas il y’a beaucoup de tailleurs dans la liste des 17 présumés homosexuels et c’est pas la première fois que des tailleurs soient cités dans ces actes d’animal contre nature. Les psychologues doivent étudier la question de savoir qu’est ce qui lie le métier de tailleur à l’homosexualité ?

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    Yatt il y a 14 minutes

    La présomption d'innocence ne peut être convoquée face à un flagrant délit avec des objets servant au crime. Les homosexuels deviennent de plus en plus arrogants, effrontés et très agressifs. Et tous ces PD qui approuvent l'articĺe ĺong, sournois et

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    Très bel article il y a 4 heures

    Bravo Monsieur Mbaye Sadikh, votre article relève la notion du mot journaliste !
    Habituellement les sournaleux sont comme les charognards, ils se jettent sur les détritus sans état d'âme.
    Ces nullards sans foi ni loi savent alimenter la curiosité malsaine de certains lecteurs, c'est leur gagne-pain
    Les faits raportés se déroulaient dans une propriété privée, c'est donc un délit commis par ces nullards gratte-papier.
    Chacun joue à la vierge éffarouchée bien que l'homosexualité est une évidence dans notre pays comme partout ailleurs.
    Au nom de la religion, ces nullards seraient capables d'accuser, de faire tuer père et mère, cette religion qui ferait bien de se remettre en question : esclavage de petits talibés, abus sexuels et rapacité sont leur mode de fonctionnement.

    COMBIEN DE TEMPS DEVRONS-NOUS ENCORE ATTENDRE POUR L'ABOLITION DE CES HORREURS ?

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    Peu de professionnalisme il y a 4 heures

    Le manque de professionnalisme et de vocabulaire de la presse sénégalaise apparaît quand il s’agit de raconter des faits divers: vulgarité et indécence sont au rendez-vous.
    Beaucoup d’expressions de type pornographique m’ayant pas leur place dans un article de presse
    Mais ça c’est aussi la faiblesse du vocabulaire des journalistes

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    Zeub il y a 4 heures

    Au moins tu as pris le temps pour nous gratifier d un texte suri fait honneur au journalisme et non pour nous raconter des ragots bravo

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    elzo il y a 3 heures

    Merci Mr Mbaye. Cette société est à refaire comme disait le jeune Gabonais!

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    Excellent il y a 2 heures

    Malheureusement tu viens de déverser une tasse de lait dans la pourriture.
    Très peu te lirons quelques rares auront compris, beaucoup te taxeront de pro lgbt,

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    doudou il y a 2 heures

    Qu'est ce que Mbaye pense de la declaration de Ngone Saliou Diop?

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    doynawar il y a 2 heures

    Li mom doyna war di..
    tiey yala.. ici meme au senegal et puis sans arriere pensee.
    Alahou Akbar.

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    Ibi il y a 2 heures

    C'est parce que la presse a donné des noms de quelques membres de votre communauté de LGBTI+ que vous vous scandalisez de manque de professionnalisme de la presse sénégalaise. Est-ce nouveau ? C'est maintenant que vous l'avez remarqué ? C'est votre hypocrisie qui est vraiment scandaleux

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    Nikel il y a 2 heures

    C'est juste que le homos sont tellement protégés, on veut pas qu'on les touche sur ce plan merci nos journalistes.

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    Tom il y a 1 heure

    Très bel article

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    Sow Amath il y a 1 heure

    Très bel article. L'orthodoxie ne fait jamais mal. Félicitations pour le style et l'écriture. Un article d'un cru que nous aimerions lire davantage.

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    Sembe il y a 1 heure

    Très bel article ! Le droit à la protection de l'image doit être respecté.

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    ca nexiste plus ici il y a 1 heure

    ya pas de presumption dinnocence au Senegal

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    Nit il y a 1 heure

    Effectivement, c'est une violation flagrante des droits des personnes qui sont des infractions pénales dont le procureur devrait s'autosaisir.

    Une rare fois que je lis l'article de cet auteur jusqu' à la fin.

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    Le dictateur il y a 1 heure

    Mes chers chers collèges, il est 14:03 et je déclare la séance du tribunal public ouverte !
    Amusez vous bien 😆

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    Manou il y a 49 minutes

    La plupart des PV des FDS concernant une affaire délictuelle tombé aux mains des journalistes. Ce fait est très grave. Un policier connu des tous disait avoir des sources partout dans l'administration.
    Ni la police, ni la gendarmerie encore moins la justice ne doivent servir de source à ces journalistes qui ne sont des professionnels que de nom

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    Deug il y a 34 minutes

    Seneweb c'est maintenant que vous revelez cela,on a vu plus grave,une photo prise dans une fourgonnette et publiée par un certain Anita.
    La confusion ne va pas jusqu'à l'autre personne soit aussi entre les mains de la justice quand-même

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    Trix trax il y a 30 minutes

    On veut des fotos et des adresse. Pays d'homos

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    Amadou il y a 18 minutes

    Félicitations Mr MBAYE Sadikh.
    Article très pertinent et très bien écrit 👍

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