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Entretien- Sina Diop sur la planification familiale : « La sexualité reste encore un tabou dans nos sociétés»

Auteur: Yandé Diop

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Entretien- Sina Diop sur la planification familiale : « La sexualité reste encore un tabou dans nos sociétés»

Membre de l’Association nationale des sages-femmes d’État (ANSFES), Sina Diop est engagée dans la promotion de la santé reproductive et de la planification familiale. Dans cet entretien, elle revient sur les principaux défis à savoir les rumeurs, les blocages socioculturels, le manque d’information et le coût des méthodes contraceptives. Ainsi, elle a plaidé pour une meilleure sensibilisation, notamment des hommes et pour une utilisation accrue des réseaux sociaux afin de briser les tabous.

 

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Sina Diop, je suis sage-femme d’État et membre d’appui à la communication digitale de l’Association Nationale des Sages-Femmes d’État (ANSFES). Je suis également certifiée en santé mentale et titulaire d’un diplôme en gestion de projet.

Quels sont les défis à relever dans le domaine de la planification familiale ?

Il y a beaucoup de défis à relever. Le premier, c’est la désinformation et les rumeurs. Beaucoup pensent que la contraception rend stérile ou provoque des maladies, ce qui est totalement faux. Ces idées reçues constituent le principal blocage à la promotion de la planification familiale. Elles bloquent notre travail de prestataires. Quand nous expliquons aux femmes ce qu’est la planification familiale, certaines refusent d’écouter car elles ont déjà entendu que c’est mauvais ou dangereux. Pourtant, elle ne se limite pas à espacer les naissances. Elle contribue aussi à prévenir l’infertilité et à assurer la prise en charge des infections sexuellement transmissibles.

Comment gérez-vous les hommes qui refusent que leurs épouses utilisent des méthodes de contraception?

C’est un vrai problème. Dans nos sociétés, la sexualité reste encore un tabou. Beaucoup d’hommes n’ont jamais eu l’occasion d’en discuter dans leurs familles. Quand on les invite à en parler, ils ne sont pas à l’aise. Nous devons, donc, travailler à les sensibiliser et les médias ont un rôle important pour briser les tabous et diffuser une information correcte.

Quelles difficultés rencontrez-vous sur le terrain ?

Dans le cadre de la planification familiale post-partum, nous proposons aux femmes, juste après l’accouchement, de choisir une méthode contraceptive. Beaucoup refusent, disant : « Je vais demander l’avis de mon mari. » Ces blocages ont un impact direct sur la santé, car un espace intergénésique trop court peut entraîner des complications graves chez la mère comme chez l’enfant.

Avez-vous une anecdote marquante ?

Oui, surtout avec les grandes multipares, c’est-à-dire les femmes ayant plus de cinq grossesses. Certaines en sont à leur 10e ou 12e grossesse, sans jamais avoir utilisé de méthode contraceptive. Ces femmes s’exposent à des complications graves, parfois fatales, notamment après plusieurs césariennes rapprochées. Après une césarienne, l’utérus doit se reposer au moins deux ans, mais certaines tombent enceintes à peine un an après, ce qui peut mettre leur vie en danger.

Quel est le rôle de l’ANSFES dans la promotion de la planification familiale ?

Notre rôle est d’éduquer et de sensibiliser. L’association forme aujourd’hui des sages-femmes championnes du plaidoyer pour les droits sexuels et reproductifs des adolescents, des jeunes et des femmes. Parce que parler de la santé de la femme et de l’enfant, c’est parler de la santé de toute la société. Nous devons être présentes sur ces plateformes. Personnellement, j’ai un compte TikTok avec plus de 100.000 abonnés où je fais de la sensibilisation. Je donne aussi mon numéro aux familles qui souhaitent échanger. Parfois, une femme veut juste parler, se confier ; ce n’est pas forcément pour demander une méthode, mais pour trouver un soutien moral.

Existe-t-il des obstacles financiers pour accéder à la planification familiale ?

Oui. Même si certaines méthodes sont subventionnées, elles restent inaccessibles pour certaines femmes. Les pilules coûtent entre 300 et 500 francs CFA. Pour des femmes sans indépendance financière, cela peut représenter un véritable obstacle. Il est donc nécessaire que d’autres organismes partenaires soutiennent cet effort.

En conclusion, quel message aimeriez-vous transmettre ?

La planification familiale ne concerne pas seulement les femmes, mais le couple dans son ensemble. Les hommes doivent être inclus dans les discussions. Et puisque les réseaux sociaux sont désormais incontournables, nous devons les utiliser pour apporter une information fiable et accessible, car au fond, c’est l’accès à la bonne information qui reste le plus grand défi.

Auteur: Yandé Diop
Publié le: Jeudi 25 Septembre 2025

Commentaires (1)

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    Hé! il y a 3 heures

    Bravo madame Diop pour vos explications claires. C'est quand même regrettable de voir qu'il y en a qui ont des problèmes pour acheter des pilules contraceptives coûtant entre 3 et 500 francs CFA (0,5 et moins d'un € / $). En plus des obstacles culturels (sexualité sujet tabou, les hommes très peu concernés par la question, l'ignorance, la désinformation...) Merci pour ces éclaircissements.

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