« Le Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse du Sénégal (CDEPS) s’est vu refuser l’accès de la Maison de la presse ». Telle est la première phrase du communiqué du CDEPS dénonçant l’impossibilité du patronat des médias de tenir une conférence de presse prévue ce matin à cet endroit. Le CDEPS, qui s’est contenté de l’usage jusque-là en vigueur, dit avoir informé, dimanche matin, le directeur général Sambou Biagui. Ce dernier, selon toujours le CDEPS, avait promis de faire le nécessaire, mais aujourd’hui, il « a organisé son injoignabilité ».
Au-delà des patrons de presse, des journalistes devant traiter l’information ont essayé d’appeler Biagui pour avoir sa version, sans succès. C’est plus tard que les services de Biagui ont sorti un communiqué pour affirmer que la non mis à disposition d’une salle est en fait le résultat du « non-respect des procédures administratives requises ». Mais à la place d’une signature de Sambou Biagui, le directeur général, c’est plutôt le directeur des relations avec la presse et les partenaires qui porte la responsabilité du communiqué. Ceci en dit long !
Il est vrai que le CDEPS n’est pas indemne de reproche pour s’être contenté d’un coup de fil au directeur. Même si ce procédé permettait jusqu’ici d’avoir accès aux locaux, il n’en demeure pas moins que les patrons ont offert un prétexte à leur vis-à-vis. Ils apprendront à être plus rigoureux la prochaine fois !
Cependant, dans ce cas de figure, la volonté d’empêcher le CDEPS d’accéder à la Maison de la presse est manifeste. Si le directeur était animé d’une bonne volonté, rien ne l’empêchait, s’il tient aux procédures administratives, de demander à Mamadou Ibra Kane et Cie de lui adresser une correspondance. S’il avait montré à ses interlocuteurs qu’un appel téléphonique ne lui suffit pas, ils se seraient pliés volontiers à la procédure comme ils l’ont fait, hélas, après la polémique.
Il est peut-être important de rappeler à Sambou Biagui et ses patrons politiques que cette maison est faite pour la presse. C’est donc la maison de la presse et non la maison de Pastef. Cette maison ne doit pas connaître les partisans et les adversaires de Pastef. Elle ne doit pas connaître ceux qui sont en bons termes avec le régime Diomaye-Sonko et ceux qui sont en difficulté; voire en conflit avec lui. Ce n’est pas parce que le patronat de presse est dans un conflit avec le régime que l’accès à la Maison de la presse doit lui être refusé par des subterfuges.
Macky Sall a déjà dévoyé la mission de cette maison en y nommant un politicien, à la surprise générale. Les indignations de la corporation n’y ont rien changé. Pastef risque d’aller plus loin avec ce précédent dangereux. Sur le site même de la Maison de la presse Babacar Touré, il est dit que la mission de cette maison consiste, entre autres, à « contribuer à la promotion de la liberté de la presse, du pluralisme et de l’indépendance des médias », mais aussi « de participer à faire de la presse sénégalaise une presse libre, crédible et responsable ».
Comment une structure qui traite les patrons des médias comme des adversaires peut-elle renforcer la liberté de presse ? Ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord avec le CDEPS qu’on doit lui retirer le micro. Il est évident que les patrons de presse n’ont pas raison sur tout. Certains points de revendication et parfois certaines postures sont matière à réflexion. Pour autant, ce n’est pas une raison de vouloir réduire au silence ceux-là mêmes qui détiennent les moyens de diffusion.
D’ailleurs, le paradoxe de ce régime est de penser pouvoir se passer des médias, alors que tous les jours les ministères et les entités de l’État envoient des dizaines de demandes de couverture aux rédactions. Ousmane Sonko peut continuer à faire ses lives en ignorant la presse. N’empêche, son parti envahit les plateaux de télévision à chaque occasion. La déclaration de politique générale et le discours de fin d’année en sont des exemples patents. Le régime a déroulé toute une stratégie pour être présent sur toutes les télévisions.
En tout, 23 responsables au moins ont été envoyés sur les plateaux de télévision, les studios de radio et les web TV. Pourquoi ce beau monde n’a pas été envoyé à Facebook, X ou Tiktok, si tant est que les réseaux sociaux ont supplanté les médias, comme on le prétend ? Cette stratégie d’occupation de l’espace médiatique le 31 décembre par Pastef et ses alliés est la preuve de l’importance et de l’impact des médias classiques dans le débat public.
Encore une fois, les patrons ne sont pas forcément des victimes innocentes, mais le régime gagnerait à changer sa posture vis-à-vis de la presse. Les rancœurs d’un parti n’ont pas leur place dans la gestion d’un État. Pastef peut défier éternellement les patrons de presse du Sénégal, c’est son droit. Par contre, les tenants du pouvoir doivent éviter le mélange de genres. La maison de la presse n’est pas la maison du parti, c’est un bien public destiné avant tout à la presse.
Auteur: Mbaye Sadikh
Publié le: Lundi 20 Janvier 2025
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