Agropoles, incubateurs et protection du marché : les piliers de la nouvelle révolution industrielle
Le Sénégal s’engage dans une transformation profonde de sa politique industrielle. Longtemps considérée comme le maillon faible de l’économie nationale, l’industrie revient aujourd’hui au cœur de la stratégie de développement, portée par une vision ambitieuse : créer de la valeur localement, réduire la dépendance aux importations et faire émerger de véritables capitaines d’industrie sénégalais. Les leviers de cette nouvelle dynamique, examinés en plénière à l’Assemblée, sont les agropoles, les incubateurs industriels et la protection ciblée du marché, selon le ministre de l’Industrie et du Commerce.
Une rupture avec des décennies d’échec
Depuis l’indépendance, l’industrialisation du Sénégal peine à décoller durablement. La contribution du secteur industriel au PIB, qui était déjà limitée à environ 14% dans les premières années postcoloniales, n’a progressé que faiblement en plus de soixante ans, oscillant aujourd’hui entre 22% et 25%, a dit Serigne Guèye Diop. Une évolution jugée insuffisante, notamment au regard de la croissance démographique, des besoins en emplois et des ambitions de transformation structurelle. « Pire encore, une grande partie du tissu industriel est dominée par des groupes étrangers. Ciment, sucre, engrais, produits chimiques : dans de nombreux secteurs stratégiques, la majorité des grandes unités appartiennent à des capitaux étrangers, dont les bénéfices sont en grande partie rapatriés hors du pays. Résultat : le Sénégal produit, mais ne capitalise pas pleinement sur la richesse créée », dit-il. Et d’ajouter : « C’est ce cercle vicieux que les autorités entendent désormais briser ».
L’un des piliers de cette nouvelle politique industrielle est la mise en place d’un réseau national d’agropoles. Ces plateformes, implantées dans les départements, visent à rapprocher la production agricole de la transformation industrielle. L’objectif est simple mais révolutionnaire selon le ministre. Il s’agit d'arrêter d’exporter des matières premières brutes pour importer ensuite des produits transformés à prix fort. Arachide, tomate, mangue, oignon, riz, anacarde, produits halieutiques… toutes ces filières disposent d’un potentiel de transformation locale encore largement sous-exploité.
Dans les nouvelles agropoles, le producteur ne sera plus seulement un fournisseur de matière première, mais un acteur intégré d’une chaîne de valeur complète : tri, stockage, transformation, conditionnement et mise en marché. Ce modèle permettra non seulement de réduire les pertes post-récolte, mais aussi de créer massivement des emplois locaux, en particulier pour les jeunes et les femmes. Autre innovation majeure : l’intégration d’incubateurs industriels au sein même des zones de production. Contrairement aux incubateurs classiques, souvent tournés vers le numérique et les services, ces structures seront orientées vers la transformation agroalimentaire, la mécanique, la chimie locale, l’emballage, ou encore l’énergie. Le but n’est pas seulement de faire émerger des start-ups, mais de former et structurer de futurs capitaines d’industrie.
Des entrepreneurs capables de comprendre toute la chaîne industrielle : de la matière première au marché, en passant par la qualité, la logistique, le financement et l’exportation. « Ces incubateurs fourniront : des unités pilotes de production, des formations techniques et managériales, un accompagnement financier, un accès au marché structuré. Une réponse concrète à un problème central de l’économie sénégalaise, l’absence d’un véritable tissu d’industriels nationaux puissants ».
Troisième pilier de cette révolution industrielle : « la protection ciblée du marché sénégalais ». Pendant longtemps, le pays a largement ouvert ses frontières, permettant l’arrivée massive de produits importés parfois moins chers, mais souvent subventionnés par leurs pays d’origine. Cette politique a fragilisé, voire détruit, de nombreuses filières locales.
Par ailleurs, la nouvelle stratégie change de cap. « Lorsque la production nationale est suffisante, l’État n’hésite plus à restreindre temporairement certaines importations, comme cela a été fait récemment pour des produits comme la pomme de terre, l’oignon ou la banane ». L’objectif n’est pas l’autarcie, mais la création d’un environnement favorable à l’industrie locale, le temps qu’elle atteigne une masse critique et une compétitivité durable. Cette approche, qualifiée de « patriotisme économique », s’inspire de pratiques utilisées par toutes les grandes puissances industrielles, y compris les États-Unis, la Chine ou l’Union européenne.
Pour soutenir cette ambition, le budget du ministère de l’Industrie et du Commerce a connu une hausse spectaculaire, passant de 50 à 350 milliards de FCFA. Une enveloppe qui sera dirigée, en grande partie, vers les territoires : création de plateformes industrielles, construction d’infrastructures, équipement des agropoles, électrification et aménagement foncier. Contrairement aux projets concentrés dans la capitale, cette nouvelle approche se veut décentralisée et inclusive, afin que chaque région puisse devenir un pôle de production et de transformation.
Commentaires (2)
Agropoles ce sont des projets de macky allez cherchers des projetes et financer les
Régime de manipulateurs et misogynes. 😂
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