Présenté devant les députés, le projet de budget 2026 du ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage (MASAE) s’inscrit dans une dynamique de transformation profonde du secteur primaire, pilier de l’économie sénégalaise. Porté par une ambition affirmée d’atteindre la souveraineté alimentaire, ce budget traduit, selon la tutelle, « une volonté de rupture avec les approches traditionnelles et une orientation résolue vers la modernisation, la productivité et la résilience du monde rural ».

Dans leur majorité, les parlementaires ont salué la cohérence de la vision ministérielle ainsi que l’augmentation significative des ressources dédiées à l’agriculture et à l’élevage, en commission. Pour eux, « ce budget constitue un signal fort, qui reconnaît enfin la place stratégique du secteur dans la lutte contre la pauvreté, le chômage des jeunes et la dépendance alimentaire ».

Seulement, les inquiétudes sont nombreuses, au niveau des producteurs. Et derrière les chiffres et les projections, plusieurs députés ont tenu à rappeler « une réalité moins reluisante sur le terrain ». Ils ont parlé « de dysfonctionnements persistants » qui, selon eux, « risquent d’entraver l’atteinte des objectifs affichés ».

Parmi les principales préoccupations soulevées, figurent la mauvaise qualité des semences, notamment celles d’arachide, dans certaines localités, impactant négativement les rendements ; les retards récurrents dans la distribution des intrants agricoles, souvent accompagnés d’un manque de transparence dans leur attribution ; le démarrage tardif des campagnes de commercialisation, qui pousse de nombreux producteurs à brader leurs récoltes, faute de débouchés organisés et rémunérateurs ; le déficit criant en matériel agricole moderne, notamment en tracteurs, semoirs et moissonneuses-batteuses, alors même que la mécanisation est présentée comme un levier central de productivité et les difficultés des structures d’encadrement et d’appui, telles que l’ANCAR, la SAED, la SODAGRI et l’ANIDA, confrontées à un manque de moyens humains, financiers et logistiques pour accompagner efficacement les producteurs.

À ces problèmes structurels s’ajoutent d’importantes questions de sécurité et de protection des ressources agricoles, notamment le vol de bétail devenu un fléau inquiétant dans plusieurs zones rurales, les conflits récurrents entre agriculteurs et éleveurs, exacerbés par la rareté des terres et de l’eau, la prolifération des feux de brousse, qui détruisent chaque année des milliers d’hectares de cultures et de pâturages, et la pression foncière croissante, qui menace la survie des terres agricoles au profit de projets immobiliers ou industriels.

Autant de défis que les députés estiment incompatibles avec l’objectif de souveraineté alimentaire si des réponses concrètes et rapides ne sont pas apportées.

Une souveraineté alimentaire fondée sur la mobilisation collective

En réponse à ces interpellations, le ministre de l’Agriculture a souligné que « la souveraineté alimentaire ne saurait être l’affaire exclusive de l’État ». Il a appelé à « une responsabilité partagée entre les différents acteurs : collectivités territoriales, producteurs, organisations paysannes, secteur privé et partenaires techniques et financiers.

Pour le ministre, ce budget 2026 doit marquer le passage du discours à l’action ». Il s’agit non seulement « d’injecter plus de ressources, mais surtout de réformer les mécanismes de mise en œuvre, d’améliorer la transparence, de renforcer l’encadrement et d’accélérer la modernisation du secteur ».

« Nous devons bâtir un modèle agricole résilient, compétitif et inclusif, capable de nourrir durablement le Sénégal et de créer des emplois décents pour notre jeunesse », a-t-il insisté devant la représentation nationale.