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[Avis d'expert] Dr Balla Khouma : "Euro-obligations en chute : l’économie d’abord, la politique peut attendre"

Auteur: Senewebnews

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[Avis d'expert] Dr Balla Khouma : "Euro-obligations en chute : l’économie d’abord, la politique peut attendre"

Selon Bloomberg, les euro-obligations du Sénégal ont atteint un niveau historiquement bas, faisant bondir la prime de risque souveraine à 1 077 points de base au-dessus des bons du Trésor américain. Ce niveau, bien supérieur au seuil critique des 1 000 points, traduit une méfiance croissante des investisseurs quant à la capacité du pays à honorer ses engagements. En d’autres termes, le Sénégal traverse une phase financière marquée par un accès de plus en plus restreint aux marchés internationaux.

Cette nouvelle dégradation de la confiance des marchés financiers à l’égard du Sénégal ne peut être sans conséquences sur la situation économique à court terme. Comme le rappelait Greenspan en 1999, « la confiance est la pierre angulaire de tout système financier. Sans elle, le crédit se fige et l’économie s’effondre ». Un constat prolongé par Krugman en 2012, selon qui « la confiance des marchés n’est pas un substitut à des politiques économiques solides, mais sa perte peut rendre impossible la mise en œuvre de ces politiques ». De manière plus empirique, Reinhart et Rogoff ont montré en 2009, dans leur étude des crises financières, que « lorsque les marchés perdent confiance dans la capacité d’un pays à rembourser sa dette, la dynamique peut basculer brutalement, transformant une difficulté de liquidité en crise de solvabilité ».

Autrement dit, le Sénégal pourrait se retrouver, au moins temporairement, exclu des marchés financiers internationaux, incapable d’émettre de nouvelles obligations à des conditions soutenables. Des pays comme le Ghana en 2022 ou la Zambie en 2020 ont connu le même scénario, contraints de suspendre leurs paiements et de renégocier leur dette. Une telle situation pousserait le Sénégal à continuer de se financer davantage sur le marché régional, au risque d’évincer le secteur privé du crédit et de ralentir la croissance.

Le climat de défiance actuel des investisseurs pourrait entraîner une nouvelle dégradation de la note souveraine du Sénégal. Depuis octobre 2024, le pays a déjà vu sa note abaissée de B1 à Caa1 par Moody’s, avec une perspective négative, et pourrait désormais tomber au moins à Caa2. Une telle classification placerait le Sénégal parmi les pays présentant un niveau de risque très élevé, une capacité limitée à honorer ses engagements financiers et une probabilité de défaut de paiement significative. Cette situation compliquerait fortement le financement des projets d’infrastructure et risquerait de décourager davantage les investisseurs étrangers, accentuant la vulnérabilité économique du pays.

Les répercussions ne se limitent pas seulement à la sphère financière. Une contraction budgétaire limiterait la capacité de l’Etat à financer les programmes sociaux, les subventions et les politiques de soutien aux ménages. L’expérience du Gabon en 2017 a montré combien l’austérité peut fragiliser la cohésion sociale. Dans un tel contexte, la tentation d’augmenter la fiscalité pour accroître les recettes publiques doit être maniée avec prudence. Si une hausse d’impôts peut renforcer les finances publiques à court terme, elle risque aussi d’étouffer certains secteurs économiques, d’alourdir le coût de la vie et d’aggraver les difficultés des ménages. Les cas de la Tunisie et de l’Egypte rappellent qu’une pression fiscale excessive peut provoquer des ralentissements économiques et une montée du mécontentement social. Le redressement des finances publiques ne peut se faire au détriment de la stabilité sociale ni du tissu productif.

Pour sortir de cette situation, le Sénégal doit privilégier la voie du dialogue, de la transparence et de la rigueur. Une renégociation proactive de la dette avec les créanciers, visant à allonger les maturités ou à rééchelonner les paiements, permettrait d’alléger la pression financière. La Côte d’Ivoire, après la crise post-électorale de 2011, avait réussi cet exercice et regagné la confiance des marchés. 

La restauration de la discipline budgétaire, la publication des audits de la dette et la réduction des dépenses non productives, notamment celles de fonctionnement, contribueraient également à rassurer les investisseurs. Parallèlement, il est essentiel de relancer la croissance par la création de valeur ajoutée nationale. Le développement de secteurs porteurs comme le BTP, l’agro-industrie, l’énergie ou le numérique pourrait stimuler l’emploi, accroître les recettes fiscales et réduire la dépendance à la dette extérieure. Le Rwanda, en misant sur les services et le tourisme, a démontré qu’une économie africaine pouvait se réinventer et restaurer la confiance internationale.

La chute des euro-obligations du Sénégal ne doit pas être perçue comme un signal d’alarme sur la trajectoire économique du pays. Ce moment exige de la lucidité, de l’unité et un véritable sursaut patriotique. Le Sénégal a besoin de moins de politique et de plus d’économie, car dans un contexte mondial où les marchés financiers sont volatils et observent chaque mouvement, la moindre erreur ou écart de communication du gouvernement est immédiatement sanctionnée. La stabilité, la transparence et la concertation nationale sont aujourd’hui les clés pour restaurer la confiance et remettre le pays sur la voie d’une croissance durable et inclusive.

Dr. Balla KHOUMA

Statisticien Economiste

Auteur: Senewebnews
Publié le: Jeudi 13 Novembre 2025

Commentaires (3)

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    Karim-USA il y a 1 heure

    L’économie est d’abord politique ! Sans politique économique, pas d’économie ! Bande de nullards ! Trump veut taxer tout le monde. C’est la vision de politique économique de ce vieux nullard des États-Unis. Au Sénégal, SONKO-DIOMAYE devait d’abord commencer par montrer une unité sans faille et ne pas prêter la flan à nos ennemis les bailleurs internationaux, faire des actions coordonnées, arracher nos milliards et terres volés par les bandits de l’ex régime pour les redistribuer à la population et alléger le coup de la vie.

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    Baba kumba il y a 1 heure

    Mais pourquoi le président diomaye ne parle jamais de la dette pour avoir un avis tranché de l'état. Il n'en parle jamais, on dirait qu'il est affolé ou a peur... Nous avons un président inconscient

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    Cimonta il y a 49 minutes

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