Budget 2026 adopté: L' analyse de l’économiste-statisticien Aliou Diouck
Le marathon budget a pris fin ce 13 décembre. Un budget global de plus 700 milliards F CFA a été réparti entre les différents ministères. Entre engagements et ambitions, l'économiste et statisticien Aliou Diouck a livré son analyse à l'aune de la vision 2050. Voici l'intégralité de son analyse
«L’Assemblée nationale a récemment clôturé le cycle parlementaire consacré à l’examen de la loi de finances. Tant en commissions qu’en séances plénières, plusieurs budgets sectoriels ont suscité des appréciations contrastées, certains ayant été jugés insuffisamment dotés au regard des ambitions affichées. À l’issue de ce marathon budgétaire, la loi de finances a été adoptée, consacrant pour l’exercice 2026 un budget de l’État équilibré en ressources et en charges à hauteur de 7 177 223 463 000 FCFA, correspondant aux crédits de paiement mobilisables sur l’exercice.
Parallèlement, l’État est autorisé, au cours de l’année 2026, à engager des dépenses jusqu’à 10 162 400 103 632 FCFA, soit un volume d’engagements excédant les crédits de paiement de près de 3 000 milliards de FCFA. Ces autorisations d’engagement, structurellement supérieures aux crédits de paiement, constituent un instrument central de la gestion budgétaire pluriannuelle. Elles permettent à l’État de programmer, sécuriser et contractualiser des projets de moyen et long terme, tout en lissant l’effort de trésorerie dans le temps, conformément aux principes de soutenabilité budgétaire et de prévisibilité de l’action publique.
D'un autre côté, la réduction du déficit budgétaire, l’accroissement des investissements financés sur ressources internes ainsi que la rationalisation de certaines dépenses de fonctionnement constituent, à première vue, des indicateurs positifs d’assainissement progressif des finances publiques.
Toutefois, au-delà de ces signaux conjoncturels, l’analyse du budget 2026 gagne à être approfondie à l’aune de la Vision Sénégal 2050, qui postule une transformation systémique du modèle de développement national.
Dès lors, une interrogation centrale impose que l’on se demande si le budget de l’État pour l’exercice 2026 constitue une véritable traduction budgétaire de l’Agenda national de transformation porté par la Vision Sénégal 2050, laquelle ambitionne l’édification d’une économie souveraine, inclusive et résiliente à l’horizon 2050 ?
Plus spécifiquement, ce budget engage-t-il effectivement une transformation systémique articulée autour de trois piliers que sont la transformation du système de financement, du système de production et du système de répartition, en cohérence avec les orientations stratégiques de long terme de Sénégal 2050 et leur déclinaison à court et moyen termes à travers la Stratégie nationale de développement (SND), le Plan d’actions prioritaires (PAP) et le Plan de redressement économique et social (PRES) ?
La transformation du système de financement s’inscrit directement dans l’axe de la Vision Sénégal 2050 relatif à la souveraineté budgétaire. Le budget 2026 privilégie résolument la mobilisation accrue des ressources internes, dans une logique de réduction de la dépendance aux financements extérieurs et de renforcement de l’autonomie décisionnelle de l’État. Cette orientation se matérialise par l’élargissement de l’assiette fiscale, la modernisation de l’administration fiscale et douanière, l’intégration progressive de l’économie numérique dans le champ de l’imposition ainsi que la rationalisation des dépenses publiques. En parallèle, la gestion de la dette publique est réorientée vers une trajectoire de soutenabilité compatible avec la stabilité macroéconomique, en conformité avec les exigences de discipline budgétaire, de crédibilité financière et de soutenabilité intertemporelle prônées par la Vision Sénégal 2050.
La transformation du système de production répond à l’objectif fondamental de construction d’une économie productive, compétitive et intensivement créatrice de valeur ajoutée locale. Le budget 2026 alloue des ressources substantielles au développement des secteurs productifs stratégiques, notamment l’agriculture moderne, l’industrialisation fondée sur la transformation locale des matières premières, les infrastructures économiques, le numérique et l’innovation. L’accent est mis sur le renforcement des chaînes de valeur nationales, la substitution progressive aux importations, la promotion du contenu local ainsi que l’investissement dans le capital humain, à travers l’éducation, la formation professionnelle et l’employabilité des jeunes. Cette orientation vise à ancrer durablement la croissance économique dans la production nationale et à réduire les vulnérabilités structurelles de l’économie sénégalaise.
La transformation du système de répartition incarne la dimension sociale et territoriale de la Vision Sénégal 2050, fondée sur le principe d’une croissance inclusive, équitable et territorialement équilibrée. Le budget 2026 procède à une réallocation stratégique des ressources publiques en faveur des secteurs sociaux prioritaires comme l’éducation, la santé et la protection sociale afin de renforcer l’égalité des chances, la cohésion sociale et la résilience des ménages. Il accorde également une attention soutenue à l’équité territoriale, à travers le financement d’infrastructures et de services publics sur l’ensemble du territoire national, contribuant ainsi à la réduction des disparités régionales. Cette logique redistributive vise à garantir que les fruits de la croissance bénéficient effectivement à l’ensemble des populations, en particulier aux couches les plus vulnérables. sur ce point, je plaide pour le paiement des bourses de sécurité familiale et des étudiants.
En réponse à ces trois interrogations, on peut dire globalement que le budget de l’État pour l’exercice 2026 s’affirme comme un instrument de mise en œuvre progressive de la Vision Sénégal 2050, en amorçant la transition d’un modèle économique historiquement fondé sur l’endettement et la consommation vers un modèle reposant sur l’autofinancement, la création de richesse nationale et une répartition plus équitable des revenus et des opportunités. À travers cette triple transformation financière, productive et redistributive, l’État pose les jalons d’un développement souverain et inclusif, en cohérence avec les ambitions de long terme de l’économie sénégalaise. »
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