THIES - Dans le paisible village Sérère de Koundane, à deux kilomètres de la Commune d’arrondissement de Thiès-Est, le cultivateur Diégane Faye médite sur l’enfer que constitue pour le monde rural la filière arachidière et se demande s’il y a «possibilité d’arrêter l’hémorragie pendant qu’il est encore temps». Le dur quotidien de ce père de famille, à l’image de ses pairs, reste marqué par une misère collective qui a fini de mettre à genoux, presque tous les secteurs de la vie en milieu rural. 
 Un tour en brousse, à travers certains villages du Cayor, comme Tassette, Ngaye Mékhé, Thilmakha, Mérina Ndakhar, Tivaouane, etc. suffit pour se rendre compte de la désolation inimaginable qui a gagné le monde rural. Un vécu quotidien caractérisé par une souffrance indescriptible et l’humiliation suprême. Aussi, Saliou Faye, de la communauté rurale de Fandène, non loin de la capitale du Rail, n’a pas tort de fuir le calvaire. Il n’a pu s’échapper aux aléas de l’exode rural. Dans cette localité, plus de 70% des producteurs détiennent toujours par-devers eux des graines d’arachide qu’ils ne peuvent pas vendre. «Ce n’est même pas sûr que nous les vendrons», s’inquiète Ibra Niokhobaye Diop. Fatigués, parce que ne pouvant écouler leur production, les jumeaux Ouzin et Assane Diouf du village de Keur Madaro, sur la route de Khombole, se demandent que faire pour «pouvoir vendre le reste de leurs graines à des prix raisonnables, être désintéressés et rentrer dans leur fonds pour subvenir aux besoins familiaux». 
 
 L’Etat n’a pas, en réalité, de moyens de pressions sur la Suneor, selon El Hadji M. Guèye 
 
Aux yeux de El Hadji Mamadou Guèye dit «Parisien», conseiller en collecte/commercialisation et coordinateur de la Fédération nationale des opérateurs privés stockeurs et transporteurs du Sénégal, à Thiès «la commercialisation connaît cette année de réelles difficultés en matière d’écoulement. À la date du 22 mars 2011, les huiliers devaient la somme de 25 milliards aux opérateurs qui, à leur tour, devaient verser une bonne partie de cette dette aux producteurs qui leur ont donné leurs graines d’arachide sur la base d’une certaine confiance, mais qui restent sans rentrer dans leurs fonds après 4 à 6 mois de dur labeur». 
 Pour El Hadji Modou Fall, opérateur privé, président de la zone nord de la Fédération nationale des opérateurs privés stockeurs et transporteurs du Sénégal, demeurant à Tivaouane, «il faudrait revoir ce système de collecte Carreau usine qui a fini de montrer ses limites, n’est pas adapté au contexte sénégalais actuel». Il lui semble, en outre, que «l’Etat, par rapport à ses menaces, ses invitations, les délais qu’il fixe, etc. n’a pas, en réalité, les moyens de pression réels vis-à-vis de ce groupe puissant qu’est la Suneor. Parce qu’à dire vrai, on ne peut pas être dans un pays, dans un système et faire la sourde oreille à la sollicitation des producteurs, voire de l’Etat, sans aucune conséquence, si on n’est pas puissant ou soutenu par des puissants». 
 L’opérateur privé Ibrahima Diouf, auquel la Suneor doit 700 tonnes de graines qu’il a évacuées pour Mékhé et environs, déplore «la méthode des huiliers qui consiste à prendre les graines des paysans, ne pas les payer, les stocker, triturer, aller vendre sur le marché mondial, prendre leurs bénéfices pour, après, revenir désintéresser les pauvres paysans sans aucun respect des délais. Ce n’est pas sérieux. Les huiliers se devaient de mobiliser les financements nécessaires à temps pour pouvoir honorer les contrats qui les lient aux opérateurs privés qui, eux, n’ont pas les possibilités, les garanties, les capacités financières pour mobiliser les financements à même d’assurer la collecte primaire qui s’effectue au niveau des points de collecte». 
 
  
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