Thierno Lô : «Le plus grand problème du Sénégal aujourd’hui, c’est le parti au pouvoir lui-même»
Président de l’Alliance pour la paix et le développement (APD), Thierno Lô affirme que le vrai danger pour le Sénégal «ne vient pas de l’opposition, mais du parti au pouvoir ». Selon lui, les contradictions internes et le défi républicain menacent la stabilité du pays. L’ancien ministre sous Abdoulaye Wade d’ajouter que les discours radicaux, les injonctions populaires, les attaques contre la justice et les forces de défense et de sécurité proviennent de responsables du parti au pouvoir. « Certains refusent toute reddition des comptes lorsqu’elle touche un militant 'historique', d’autres exigent des passe-droits au nom du passé militant », déclare Thierno Lô. Voici l’intégralité de sa publication sur Facebook.
"Le plus grand problème du Sénégal aujourd’hui n’est pas l’opposition : c’est le parti au pouvoir lui-même. Son mode de fonctionnement, ses contradictions internes et la confusion autour de la gouvernance du binôme issu du fameux « ticket » présidentiel plongent l’État dans une zone d’incertitude institutionnelle inédite.
Un ticket électoral devenu équation constitutionnelle
Ce ticket n’était ni celui d’un président et d’un vice-président, ni même celui d’une colistière constitutionnelle, mais une construction politique singulière : un candidat à la présidence soutenu par un Premier ministre désigné à l’avance, devenu son alter ego de campagne.
Le bulletin portait la photo de l’un, mais la dynamique politique portait la voix de l’autre.
Une fois la victoire acquise, la réalité constitutionnelle s’est imposée : le pouvoir Exécutif est un et indivisible, les prérogatives sont fixées par la loi fondamentale, et le décret demeure l’instrument central de l’action présidentielle.
C’est là que le malaise est né : entre la légitimité militante d’un parti radicalisé et les obligations institutionnelles d’un président de la République, chef suprême des armées et garant du fonctionnement régulier des institutions.
Pastef : de la conquête à la gestion du pouvoir
Pastef a conquis le pouvoir dans la douleur. Son credo implicite était simple : « Détruire pour prendre le pouvoir et reconstruire. »
Cette stratégie a permis la chute du régime précédent, mais elle a laissé des séquelles profondes : un rapport difficile à l’autorité, un mépris affiché des institutions, et une exaltation de la confrontation permanente.
Aujourd’hui encore, nombre de ses militants refusent d’admettre la hiérarchie républicaine. Ils contestent les décisions du chef de l’État, estiment que le parti doit diriger l’État à travers des comités politiques, et non l’inverse.
Cette logique est contraire à notre système présidentiel et mine la stabilité nationale.
Un paradoxe inquiétant : les anciens ministres des finances silencieux
À ce tableau s’ajoute un paradoxe troublant.
Les deux principaux ministres qui, hier, géraient nos finances publiques — et qui, par leurs signatures, validaient les dépenses, les emprunts et les programmes — se retrouvent aujourd’hui aux côtés des nouvelles autorités, dénonçant « les errements du passé » sans jamais désigner clairement les coupables ni éclairer l’opinion sur leur propre rôle.
Or, s’il y a eu dérive ou dissimulation, ils en étaient les témoins, sinon les acteurs. Le devoir de vérité impose qu’ils parlent, non pour accuser, mais pour restaurer la confiance et la crédibilité de l’État. La reddition des comptes ne peut être sélective ni commode : elle doit être totale, équitable et fondée sur des faits.
Un parti devenu société d’actionnaires
La structure interne du parti évoque parfois celle d’une société anonyme :
• la diaspora, principal bailleur, se considère comme un actionnaire décisionnaire ;
• les jeunes, souvent en première ligne dans la lutte, réclament leurs dividendes politiques ;
• les cadres se divisent entre fidélité au Premier ministre et loyauté au président.
Résultat : un État à deux têtes, où le président gouverne avec prudence, tandis que le parti agit avec impatience, souvent dans la rue et sur les réseaux.
Les tensions actuelles entre le Chef de l’État et la direction du parti en sont la manifestation la plus visible : elles paralysent certaines décisions et font peser une lourde incertitude sur la gouvernance nationale.
L’urgence d’un congrès de clarification
Cette situation impose des assises urgentes du Pastef. Il faut clarifier les rapports entre le président et le Premier ministre, définir les prérogatives du parti face à l’État, et arrêter une ligne commune en vue de 2029.
Si les deux leaders nourrissent des ambitions présidentielles, il est impératif qu’ils s’accordent dès maintenant sur un pacte de loyauté : le soutien du vainqueur des primaires par le perdant, pour éviter la désintégration du camp au pouvoir, comme cela fut le cas de la coalition BBY.
(Et, au passage, dites-moi à qui envoyer la facture de consultance… Je plaisante, mais il y a là matière à réflexion !)
Un parti au pouvoir, une opposition dans le pouvoir
Paradoxalement, la véritable opposition d’aujourd’hui se trouve au sein même du pouvoir.
Les discours radicaux, les injonctions populaires, les attaques contre la justice et les forces de défense et de sécurité proviennent de responsables du parti au pouvoir.
Certains refusent toute reddition des comptes lorsqu’elle touche un militant « historique », d’autres exigent des passe-droits au nom du passé militant.
Ce double discours affaiblit la République, met à mal la crédibilité des institutions, et envoie un message négatif aux investisseurs : celui d’un pays instable, où la politique prime sur le droit.
Le devoir de vérité républicaine
Il faut le dire sans détour : tant que le parti au pouvoir ne réglera pas ses contradictions internes, le Sénégal restera bloqué.
Aucun investisseur sérieux n’engagera ses ressources dans un pays où les lendemains sont incertains, où la justice est suspectée, où les finances publiques manquent de clarté, et où la parole politique se contredit d’un jour à l’autre.
Nos banques souffrent, notre secteur privé se délocalise, nos compétences fuient vers la sous-région.
Il est temps que les dirigeants actuels se regardent dans le miroir de la vérité, avec humilité et grandeur, pour sauver ce qui reste du mandat et rétablir la primauté de la République.
Le républicain libre que je suis ne parle ni par haine ni par calcul politique, mais par devoir.
La vérité républicaine n’a pas de parti. Elle a une seule boussole : la Nation.
Débattons, oui. Mais sans nous battre. Servons la République, pas nos ego."
Commentaires (17)
Vous avez un parti, alors présentez votre programme et votre projet pour le pays et laissez les sénégalais juger et choisir. Pour l'instant c'est Diomaye et Sonko qu'ils ont choisi sans aucun regret, alors foutez leur et foutez nous la paix et gardez vos conseils et vos attaques personnelles pour vous.
Vous avez fait beaucoup d appels au pied on ne vous a pas répondu Mr lo.
Tirez en les conclusions
Participer à la Discussion
Règles de la communauté :
💡 Astuce : Utilisez des emojis depuis votre téléphone ou le module emoji ci-dessous. Cliquez sur GIF pour ajouter un GIF animé. Collez un lien X/Twitter ou TikTok pour l'afficher automatiquement.