Isolée au cœur du delta du fleuve Sénégal, l’île de Bopp Thior tente de préserver son identité. Mais la réalité quotidienne de ses habitants est marquée par une précarité profonde. Ici, l’essentiel manque encore, et chaque famille vit au rythme d’un combat silencieux pour accéder aux services les plus élémentaires.

L’un des symboles les plus frappants de cet abandon reste la case de santé. Construite il y a plusieurs années, elle n’a jamais été réellement fonctionnelle. Aucun équipement médical, aucun agent de santé, aucun suivi. Faute d’alternative, le bâtiment a finalement été reconverti en logement pour les instituteurs affectés dans le village. Pendant ce temps, les femmes enceintes continuent de vivre l’angoisse de grossesses à risque. Certaines accouchent dans des pirogues, en pleine traversée vers Saint-Louis, au péril de leur vie et de celle de leurs enfants.

Pour Rama Diop, présidente de l’Association des femmes de Bopp Thior, la santé reste la principale préoccupation de l’île :

« Ici, quand une femme tombe enceinte, elle vit dans l’angoisse. Lorsqu’elle arrive à terme, nous sommes obligées de prendre une pirogue pour l’amener à l’hôpital de Saint-Louis , quelle que soit l’heure. Il nous est arrivé plusieurs fois que des femmes accouchent dans les pirogues. Nous avons une case de santé, mais elle n’a jamais fonctionné faute d’agents et d’équipements médicaux. Aujourd’hui, elle sert de dortoir aux enseignants affectés ici », regrette-t-elle.

L’éducation souffre elle aussi d’un manque criant de moyens. L’unique école de l’île ne compte que trois salles de classe, trop petites pour accueillir correctement les élèves. L’exiguïté des locaux, combinée au matériel insuffisant, limite les apprentissages et pèse lourdement sur les perspectives d’avenir des enfants. Après leur admission en classe de 6e, ils doivent se rendre chaque jour à Saint-Louis, au prix d’une traversée quotidienne en pirogue.

« Pour l’éducation, c’est encore plus difficile. Les enfants se lèvent à 6h pour prendre les pirogues, avec tous les risques que cela entraîne », ajoute Rama Diop.

Ibrahima Ndiaye, jeune habitant de l’île, partage le même constat :

« La situation que nous vivons est extrêmement difficile. Que ce soit dans le domaine de la santé ou de l’éducation, nous faisons face à de nombreux problèmes. On a vraiment le sentiment d’avoir été abandonnés à notre sort », confie-t-il.

Île isolée administrativement et souvent oubliée par les politiques publiques, Bopp Thior vit dans une précarité chronique : manque d’infrastructures sociales, absence de case de santé fonctionnelle, pas d’électricité, difficultés de déplacement… autant de barrières qui rendent la vie des habitants particulièrement éprouvante.

Bopp Thior apparaît aujourd’hui comme un paradis perdu quelque part dans le fleuve Sénégal.