Nos confrères de Libération se sont intéressés de plus près à l'affaire du bateau russe, le Oleg Naydenov, arraisonné dans les eaux sénégalaises pour pêche illégale. Dans leur édition du jour, ils ont fait cas de cette affaire qui défraie la chronique au Sénégal depuis quelques jours comme faisant partie de ce que le doyen Mody Niang (écrivain) a appelé la " gouvernance funeste " d'Abdoulaye Wade. En effet, plus qu'un simple resquillage, cette affaire relève d'un vaste deal orchestré par l'ancien ministre de l'Economie maritime, Khoureichi Thiam, avec la bénédiction de l'ancien président de la République (Gorgui décidément dans toutes les sauces...).
En effet, en mars 2010, le Artic Sunrise, un navire de Greenpeace, repère quatre (4) chalutiers pélagiques, dont trois (3) russes, tous appartenant au même armateur, Murmanskly Trawl Fleet. Parmi ces trois (3) chalutiers russes, le Oleg Naydenov, aperçu au large de l'embouchure du fleuve Casamance, remontant précipitamment ses filets, le nom inscrit sur la coque du bateau dissimulé sous une bâche ; ce qui constitue en soi une infraction à la législation sénégalaise. Le ministère de l'Economie maritime, informé, déclarait alors ne pas être au courant de la présence de ces chalutiers et soutient qu'ils pêchent, le cas échéant, illégalement sur les eaux sénégalaises.
Or, deux (2) semaines plus tôt, Greenpeace avait établi que ledit ministère avait signé une série d'arrêtés définissant les " conditions dans les eaux sous juridiction sénégalaise " d'au moins quatre (4) " navires pélagiques côtiers ", arrêtés frauduleux qui ne seront jamais inscrits dans le journal officiel, selon nos confrères de Libération. Qui pis est, ces arrêtés violent la législation sénégalaise en plusieurs autres points puisque les chalutiers pélagiques battant pavillon étranger ne peuvent bénéficier d'un affrètement au Sénégal. Pis encore, la commission d'attribution des licences de pêche n'a pas été saisie avant la signature desdits arrêtés.
A l'origine, un gros mensonge d'Etat
Quelques mois plus tard, le Premier ministre de l'époque, Souleymane Ndene Ndiaye, est informé de l'intention du ministère de l'Economie maritime d'octroyer onze (11) licences de pêche à des étrangers, dont les quatre (4) épinglés par Greenpeace.
La commission consultative d'attribution des licences rejette les dossiers présentés par le ministère de l'Economie maritime pour l'octroi de ces licences, suivie en cela par le Pm. Le ministre de l'Economie maritime, Khoureichi Thiam à l'époque, va voir, discrètement, le président Abdoulaye Wade, selon les informations de Greenpeace reprises par nos confrères, qui, par courrier du 1er mars 2011, donne son accord pour l'établissement de licences de pêche pélagiques. Onze (11) licences de pêche sont alors signées au bénéfice de quatre (4) consignataires. Le plus hilarant dans cette affaire, comme le révèlent nos confrères, c'est que parmi ces derniers, Fouad Nouasser, gère quinze (15) navires de pêche. Il ne s'agit donc ni de licences de pêche ni de licences d'affrètement, mais de contrats de " gérance " de navires russes. Ce qui explique que M. Nasser fasse des pieds et des mains pour la libération de l'Oleg Naydenov depuis son arraisonnement par les autorités sénégalaises.
Auparavant, Me Madicke Niang, l'éminence grise d'Abdoulaye Wade, alors ministre des Affaires étrangères, se rend en Russie et signe un accord cadre (jugé mystérieux par Greenpeace car n'envisageant pas l'accès aux ressources halieutiques du Sénégal par les bateaux russes) qui définit des " principes de coopération en maître scientifique, technique et économique entre les deux pays ". Ledit accord " permet de mettre en œuvre, immédiatement, les dispositions prévues en ce qui concerne la formation de Sénégalais en Russie, la surveillance satellitaire et l'envoi d'un bateau russe pour des opérations de recherche avec des chercheurs sénégalais ". En lieu et place d'un bateau russe pour la recherche, on a aujourd'hui à des bateaux pirates du pays de Poutine dans nos eaux. Dans la même foulée, Khoureichi Thiam révise le code maritime en y introduisant une disposition qui lui permet, " lorsque l'état d'une ou de plusieurs pêcheries le permet ", de " délivrer, à titre exceptionnel, des autorisations temporaires de pêche ".
La boîte de Pandore venait ainsi d'être ouverte, puisque, de vingt et une (21), les licences de pêche passent à quarante quatre (44) en décembre 2011. L'information est alors verrouillée, même au niveau du ministère de l'Economie maritime, sur le nombre de navires étrangers mouillant dans les eaux sénégalaises. En fait, l'arrêté présidentiel du 1er mars sus-cité, n'est que l'onction après coup à ces licences déjà accordées par le ministre de l'Economie maritime. S'en suivit alors une opération de prédation hors normes de nos ressources maritimes nimbée dans une opacité sans pareille.
Pire encore, dans les documents établissant les termes des protocoles, le ministre de l'Economie maritime introduit une nouvelle donne qui a trait à la clé de répartition de la contrepartie financière. Désormais, les 75 % seront reversés au Trésor et les 25 restants audit ministère. Et ce n'est pas tout. Car, selon Greenpeace, Au lieu des trente cinq (35) dollars la tonne déclarés, les navires étrangers versent en réalité cent vingt (120) dollars, selon les informations recoupées par Greenpeace. Ce qui équivaut à un préjudice de onze (11) milliards F Cfa subi par le Trésor sénégalais, selon les investigations menées par l'Inspection générale d'Etat (Ige).
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