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ROSALIE MENDY, 39 ANS : «Durant ma maladie mentale, j’ai été engrossée 2 fois »

Auteur: Walf Grand Place via Xibar.net

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Sa petite famille est finalement sa seule raison de vivre. Car, depuis qu'elle a accouché de son premier enfant, Rosalie Mendy qui n'a plus la notion du temps au point de se rappeler l'année de chacun de ses malheurs vit un calvaire. Elle passe d'étape en étape dans les péripéties de la vie d'un jour déplorable à un lendemain pire. Enceintée à deux reprises alors qu'elle était atteinte de troubles mentaux, elle accouche d'abord d'une fille puis de deux jumeaux.

 Depuis lors, elle s'efforce de survivre avec ses enfants dont elle ne connaît pas les pères, n'a pas de maison où vivre ni de moyens pour assurer la scolarité de ses gosses respectivement en classe de 2nde, 4e et 6e. Aujourd'hui, elle souhaite retrouver le sourire et pour une fois le donner à ses enfants, dont l'un est malade de troubles cardiaques, avec l'aide des bonnes volontés. Ce que la vie n'a pas su lui donner.

Quand on est assailli par les problèmes, on perd facilement du poids. Affreusement. Cette perception que nombre de Sénégalais ont de la notion de la connivence entre problème et état forme est démentie par le cas de Rosalie Mendy. Cette jeune dame, bien en chair, est une conjugaison de difficultés de la vie ambulante. Des problèmes, cette dame ne compte que ça pour une bonne partie de ses 39 ans. Et quand elle en parle, l'on n'en revient pas. On retient difficilement les larmes. 

Depuis lors, elle avait fini de faire avec, immunisée de tout ce qui pouvait représenter tourments et tracasseries de son vécu. Toutefois, à l'approche de l'ouverture des classes, elle ne résiste plus à demander de l'aide. Ses démarches ont été multiples. Mais, sa cause est restée vaine. Rosalie n'a pas où habiter avec ses enfants, ne possède pas les moyens de soigner son fils malade et pour le minimum de bouffe, elle remue ciel et terre afin de participer à la dépense quotidienne cher sa sœur.

 Le top de son calvaire a été donné durant les années qui ont suivi la naissance de son fils aîné. Du bonheur de tenir un bébé dans ses bras, elle est tombée dans une longue maladie mentale. Le teint d'une noirceur foncée, la taille petite, elle raconte : «j'ai eu des troubles mentaux après mon premier enfant.» La folie se traçant sur son destin, elle vit aux côtés de sa mère qui s'efforce de veiller sur sa fille. Cependant, elle était loin de ses malheurs. Sûrement à la fleur de l'âge en cette période, Rosalie qui ne se rappelle plus de ses débuts de maladie vit aujourd'hui avec les résultats de son inconscience involontaire. En cette période, elle a accouché à deux reprises.

 Elle dit, le visage tristement révélateur : «J'ai été engros¬sée à deux reprises durant ma maladie. J'ai d'abord eu une fille puis des jumeaux, tous des garçons. Mais, je ne connais pas les pères de ces enfants.» Vêtue d'un ensemble Anango pagne dont le tissu est délavé, entourée de ses jumeaux, Rosalie interrompt son discours un moment. Elle est fixée des yeux par ses fils. Elle sourit, parle à voix basse avec et reprend : «Mes enfants ne veulent pas être photographiés

. D ailleurs, ils me disent qu'ils auraient préféré que moi aussi je ne le sois pas. Puisque, ce sont des élèves et ils ont peur que leurs camarades se moquent d'eux» Elle convainc ses enfants de la nécessité pour eux de trouver du soutien. Et reprend son histoire. Cherchant le fil dans ses pensées, elle lève les yeux et poursuit : «Quand j'ai eu ma fille, ce sont les sœurs qui l'ont prise.» En ce lieu, cette demoiselle âgée aujourd'hui de 19 ans doit passer en classe de seconde. «Elle est partie en vacances. Mais, elle doit quitter les sœurs parce qu'elle est devenue une grande fille», révèle-t-elle. Toutefois, concernant ses deux jumeaux qui semblent gênés par la situation, elle soutient : «C'est ma pauvre mère qui m'a toujours aidé pour l'éducation de ces dernier, en travaillant dur.» 

Malheureusement et une fois encore, sa sombre vie lui joue un tour de plus. Elle perd sa mère. Et Rosalie semblait encore loin de finir de parcourir le chemin pour se retrouver au fond du gouffre. Des années sans sa génitrice à devoir subvenir seule aux besoins de ses enfants, elle passe ses jours à faire le linge en bon « Ndiago » «C'est en étant lingère que je me suis cherchée une petite chambre où je vivais avec mes enfants. J'ai beaucoup travaillé pour au moins qu'ils se retrouvent avec le minimum», argue-t-elle. Tremblotante, la voix morfondue, elle conte cet autre mauvais tour que

 lui a joué la vie. Car, pour couronner le tout, l'un des jumeaux de Rosalie tombe malade. Il est atteint de problèmes cardiaques. Après une hospitalisation de plusieurs jours à l'hôpital, les ordonnances du gamin se succèdent. Rosalie vivote entre le marteau de la survie et l'enclume des ordonnances de son enfant. «j'ai fait tout mon possible pour subvenir à leurs besoins, mais c'est très difficile. Les ordonnances sont nombreuses et; je suis la mère et le père de ses enfants. Ils n'ont que moi.»

 N'ayant toujours pu compter que sur sa mère qui n'a pas vécu longtemps après sa guérison, Rosalie vit au quartier Grand Yoff. Elle raconte, les larmes coulant sur ses joues : «Mon père est mort quand je n'avais que 5 ans. J'ai d'abord été sous traitement à l'hôpital Fann. Puis, je suis partie en Guinée pour me soigner. C'est là-bas que j'ai été guérie.» Rentrée au pays et obligée de faire face à la réalité d'entretenir ses enfants, elle a fait son possible. A bout de force, elle est partie voir sa grande sœur. «Lorsque je n'ai plus eu les moyens de régler le loyer, je suis allée voir ma grande sœur de même père et même mère, car on m'avait chassée de la maison.» Espérant compter sur cette dernière, avec l’un de ses jumeaux malades et l'autre courageux dans la mesure du possible, Rosalie peut s'estimer heureuse de n'avoir été mise à la porte.

 En location dans une maison de ce quartier populeux, sa grande sœur l'héberge... sur la terrasse. «Je dormais avec mes enfants sur la terrassé de la maison.» Après les travaux dans cette demeure, elle est recasée sur le perron. «Ma grande sœur est venue me dire que puisque la maison est terminée, je dois descendre», avoue-¬telle. C'est ainsi que depuis des mois, elle dort sur le perron de la maison, sous une moustiquaire et une sorte de lit, avec ses jumeaux. Elle ne peut plus retenir ses larmes.

 Cependant, savoir que ses bébés vont à l'école lui redonne courage. Rosalie Mendy se ressaisit et dit : «Le pire dans tout cela, c'est que le médecin a demandé que mon fils malade évite les émotions. Et à ce rythme, ce sera difficile. Ils en veulent souvent à ma sœur et veulent même qu'on quitte la maison.» Parce que, même si cela semble inimaginable, ces pauvres gens ne peuvent aller au lit quand il y a des hôtes sur le perron de la maison. Et, quand il pleut, ils se réfugient quelque part. «Ma grande sœur dort avec ses enfants dans la chambre, nous dehors.» À la question de savoir où se trouvent leurs bagages, elle répond: «Ils sont sous la cage d'escaliers.»

 Remerciant le bon Dieu qui lui a permis de pouvoir parfois compter sur le directeur de l'Action sociale, celui-là même qui s'est, d'ailleurs, chargé des frais d'hospitalisation de son fils, Rosalie a besoin de beaucoup plus. Elle explique : «Je ne peux plus travailler pour ne pas laisser seul mon enfant malade. Et j'ai écrit au président de la République, au maire. J'ai fait beaucoup de démarches pour être aidée.». Après toutes ces péripéties, elle ne vit plus que pour ses enfants. Rosalie a perdu son époux qui, dit-elle, a voyagé au cours de ses troubles mentaux. «J'ai été mariée avant de tomber malade. Mais, il a voyagé et je sup¬pose qu'il a refait sa vie.» Quant à son fils aîné, elle avoue que celui-là ne dispose pas de moyens pour les aider, «Il fait un travail de boy et il vit à Guédiawaye chez son père.» Regardant affectueusement ses jumeaux à qui elle a donné son nom de famille, elle s'égaye : «Lui fait la 4e et l'autre la 6e . Celui-là a été retardé par sa maladie.» Cependant, Rosalie rassure que ceux-là ont la volonté de réussir. 

Malgré ses faibles revenus, ils se débrouillent pour aller à l'école. Ils sont mieux placés pour parler de leurs études. Et après hésitation, l'un d'entre eux se lance : «J'aime l'école, car je veux être avocat» Ayant eu la moyenne 11 pour passer en classe supérieure, il jure de faire mieux cette année pour aller de l'avant. Sa discipline préférée, c'est l'Anglais. L’autre, atteint de problèmes cardiaques est moins bavard. D'ailleurs, rien ne l'emballe de tout ce qui se raconte depuis tout à l'heure. 

La situation de sa famille l'affecte, mais il préfère ne pas en parler. Il est en classe de 6° et il ne sait plus quel travail il veut faire quand il sera grand. Il sourit timidement, détourne son visage laissant transparaître des larmes et se décide : «Médecin pourquoi pas ? Comme ça, je soignerais ceux qui sont malades.» Sa mère sourit et prend la balle au rebond : «Avant, il disait qu'il veut devenir militaire. Mais là, il est devenu conscient. Parce que je lui ai expliqué que pour être militaire-il faut être en bonne santé.» S'inquiétant de la scolarité de ses enfants, Rosalie persiste pour dire : «je m'inquiète pour eux. Quand, je ne participe pas à la dépense pour la nourriture, ma grande sœur ralle tellement que les enfants boudent et ne mangent pas.»

 À en croire Rosalie, un parent d'un de leurs camarades lui avait demandé qu'elle laisse les enfants venir manger chez lui. «Ils ne le peuvent pas toujours et je les comprends, ils ont grandi.» Malgré tout son désarroi, implorant la bonté des uns et des autres, Rosalie Mendy de manière inconsciente pointe du doigt ses potentiels bienfaiteurs. Le sourire aux lèvres, laissant voir ses tresses en nattes sur sa grosse tête, elle conclut : «Je demande surtout de l'aide à Papa Thione, Youssou Ndour et El Hadji Diouf» Elle met sur le compte de la parenté. Car, justifie-t-elle, «je suis né à la Médina, Youssou Ndour aussi. Nous sommes tous parents donc».

Auteur: Walf Grand Place via Xibar.net
Publié le: Mercredi 05 Octobre 2011

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