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Trois pays, un même scénario : comment la société française Sharp Vision prend le contrôle de l’Afrique

Auteur: Seneweb-News

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Trois pays, un même scénario : comment la société française Sharp Vision prend le contrôle de l’Afrique

Sous couvert de “moderniser” le secteur des jeux et paris en ligne, la société française Sharp Vision s’est discrètement imposée comme un acteur incontournable dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. De la Guinée au Sénégal, en passant par la Côte d’Ivoire, un même scénario se répète : partenariats opaques, absence de concurrence, transferts massifs de données et dépendance technologique des États africains envers une entreprise étrangère récemment créée.

Guinée : le contrat qui a tout déclenché

En 2023, l’Autorité de régulation des secteurs de jeux et de pratiques assimilées (ARSJPA) en Guinée annonçait un partenariat exclusif avec Sharp Vision, confiant à la société française la supervision de tout le marché national des jeux. L’accord a immédiatement suscité des critiques dans la presse locale : aucun appel d’offres, aucune transparence sur le contenu du contrat, et surtout une entreprise sans expérience préalable dans la régulation d’un secteur aussi sensible.

Au-delà du doute sur les conditions d’attribution, la question de la souveraineté numérique a rapidement émergé. Tous les opérateurs guinéens devaient désormais transmettre leurs données à une société basée à Paris, alimentant les craintes d’une nouvelle forme d’ingérence économique dans un contexte de rejet croissant de l’influence française.

Sénégal : la consolidation du réseau

Au Sénégal, Sharp Vision et sa société sœur Honoré Gaming ont signé plusieurs partenariats stratégiques avec la Loterie nationale sénégalaise (LONASE). Ces accords ont été établis alors que Lat Diop était encore en poste, dans un contexte déjà marqué par des interrogations sur la transparence et la gouvernance du secteur.

Ce n’est que plusieurs mois plus tard que l’ancien directeur général a été arrêté, accusé de détournement de fonds publics, une affaire qui a ravivé les critiques sur certaines pratiques internes et sur la gestion des contrats conclus durant son mandat.

Derrière la façade technologique, Sharp Vision aurait bénéficié de contrats attribués sans mise en concurrence, appuyés par un réseau d’intermédiaires locaux proches du pouvoir. Des documents internes ont également révélé des versements anticipés et des flux financiers irréguliers, notamment via la société écran Afitech, présentée comme un partenaire technique mais soupçonnée de servir d’intermédiaire pour les frères Casanova, fondateurs de Sharp Vision.

Côte d’Ivoire : la poursuite du modèle

Après la Guinée et le Sénégal, la Côte d’Ivoire a suivi le même chemin. La société française, à travers Afitech, a obtenu le marché de la supervision du secteur des jeux, sans que les autorités n’en précisent les modalités ni les critères d’attribution. Les opérateurs locaux se sont inquiétés de devoir, là encore, partager leurs données commerciales et financières avec une entreprise étrangère. Le discours officiel reste celui d’une “modernisation du secteur” et d’une “meilleure transparence”, mais aucun audit indépendant n’a jamais été rendu public.

Un schéma bien rodé

Dans chacun de ces pays, la mécanique est identique. Sharp Vision établit d’abord une relation directe avec les autorités nationales, souvent par l’intermédiaire de contacts politiques ou diplomatiques. Elle obtient ensuite rapidement un mandat exclusif sous prétexte d’apporter une solution “clé en main”. Le contrôle des flux financiers et des données est concentré entre ses mains, sans supervision indépendante, tandis que la communication officielle insiste sur l’innovation et la lutte contre la fraude pour masquer la dépendance créée.

Cette stratégie, bien que discrète, place Sharp Vision dans une position de pouvoir considérable : celle d’un intermédiaire technique capable de gérer, collecter et analyser les données financières d’un secteur stratégique à l’échelle régionale.

Des régulations à deux vitesses

En Europe, de telles pratiques seraient impensables. Les opérateurs du jeu et de la donnée sont soumis à des règles strictes de transparence, d’audit et de conformité. En Afrique, en revanche, ces entreprises profitent du vide juridique et du manque de moyens techniques des États pour se présenter comme les garants d’une régulation “moderne”.

Mais cette modernisation importée a un prix : celui d’une perte de contrôle nationale sur des flux économiques considérables et sur les informations personnelles de millions de joueurs africains.

Un enjeu de souveraineté numérique

Derrière la question des jeux, c’est bien la souveraineté numérique africaine qui est en jeu. Confier la régulation à des prestataires étrangers, c’est accepter que la maîtrise des données, des technologies et des revenus publics échappe

Progressivement au continent. Pour beaucoup d’observateurs, Sharp Vision n’est qu’un exemple parmi d’autres d’un néocolonialisme économique 2.0, où le contrôle passe non plus par la force, mais par les réseaux numériques et les marchés publics.

Tant que ces partenariats continueront d’être négociés dans l’opacité, l’Afrique restera dépendante d’une régulation importée, façonnée selon les intérêts de ceux qui détiennent la technologie et l’accès à la donnée.

Auteur: Seneweb-News
Publié le: Mardi 09 Décembre 2025

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