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CHERIF BAKHAYDA AIDARA : «Le ndigël politique, électoral, n'a pas de sens»

Auteur: le Populaire

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Déficit criard de soutien des autorités à l'occasion des Ziars de Nimzatt avec 20 000 fidèles khadre réunis sans aucun dispositif sécuritaire, candidature de Wade, rôle des religieux et fonction du Ndigël, jeunesse déboussolée, Chérif Bahayda qui revient fraîchement de la traditionnelle Ziar de la Korité à Nimzatt a abordé toutes ces questions avec nous.

 
Chérif, vous revenez de la traditionnelle Ziar de Nimzatt, expliquez-nous le sens de cette manifestation qui réunit, chaque année à cette période, la communauté khadre en Mauritanie.

Nous venons d'effectuer à l'occasion de la Korité, notre traditionnelle Ziar de Nimzatt. Événement qui est une grande célebration annuelle en mémoire de notre grand père Cheikhna Cheikh Saad Bouh. Il y a aujourd'hui 96 ans qu’il a quitté cette terre. Cette Ziar les talibés ont commencé à la faire depuis 1945. L'idée de tenir la Ziar est venue d'une déclaration de Cheikhna Cheikh Saad Bouh qui disait que, son mausolée c'est comme la Kaaba et que quiconque y met les pieds, Dieu exaucera tous ses voeux. C'est la raison pour laquelle, chaque année, ses talibés convergent de partout dans le monde, et particulièrement du Sénégal. 
Cheikhna Cheikh Saad Bouh avait élevé au rang de Cheikh 313 personnes, qui sont de véritables hommes de Dieu accomplis, dont la majorité sont des Sénégalais. Ils sont dans toutes les communautés, des wolofs, des Sérères, des peulhs. Il les a installés partout pour propager la parole de Dieu. C'est la raison pour laquelle des milliers de fidèles traversent chaque année la frontière pour aller effectuer le pèlerinage à Nimzatt. Ils sont quelque 20 000 personnes à venir de partout pour cette manifestation, mais la majorité est constituée de Sénégalais. Une telle occasion est pour les talibés un moment de prières intenses pour leurs préoccupations personnelles et pour leurs proches décédés. Parce que l'endroit est sacré. C'est pourquoi notre voeu le plus ardent, c'est que le Sénégal et la Mauritanie appuient les khadres dans l’organisation de cette manifestation et au delà. 

Le soutien des autorités fait donc défaut durant cet événement? 
La Ziar de Nimzatt est une grande Ziar. 20 000 personnes, c'est un chiffre important. Quand la Ziar approche, l'Etat de la Mauritanie et l'Etat du Sénégal doivent se concerter sur comment rendre les choses moins compliquées pour les pèlerins. La Mauritanie fait ce qu'elle peut, tout le monde sait que la traversée du bac coûte cher. Mais quand la Ziar approche, la traversée est gratuite pour les talibés. Les Mauritaniens sont même allés jusqu'à ne plus réclamer de pièce d'identité. Les gens n'ont que ceux en qui ils croient. Et celui en qui croit les Khadres, il est à Nimzatt. C’est un descendant de Seydina Mouhammad (PSL), et son petit-fils. Nimzatt est la Ziar la plus importante en Afrique, c'est pourquoi on exhorte les deux gouvernements à mieux s'impliquer. 

L'édition de cette année a été particulièrement difficile, avec des accidents mortels? 
Cette année a été très difficile, il y a eu des décès par accident. Ce sont d'ailleurs mes talibés. On ne peut rien contre la volonté divine. Personne ne sait comment et où il doit mourir. Mais, Nimzatt est la capitale des Khadres en Afrique. C'est pourquoi on demande aux gouvernements de nous assister. Les khadres ont de nombreux endroits en Afrique et au Sénégal, mais Nimzatt est leur lieu de prière privilégié. 

Mais là où il y a 20 000 personnes, la sécurité doit être assurée? 
Le gouvernement fait ce qu'il peut. Mais il doit redoubler d'effort. Les problèmes sont nombreux, l'eau se fait rare, on se débrouille pour avoir des citernes, avec l’appui de certains de nos talibés. Le gouvernement du Sénégal doit faire plus pour aider les talibés. 

Le manque de sécurité n'est-il pas un facteur favorisant des difficultés comme les accidents? 
La sécurité est un problème. Ça fait partie des causes des accidents qui ont coûté la vie à nos talibés. À Rosso Sénégal, j'ai vu des gendarmes, mais leur nombre est loin d'être suffisant. On laisse de côté les pèlerins pour faire passer les voitures des commerçants. Ce qui n'est pas normal, ce qu'on demande aux autorités, c'est quand arrive la Ziar, de faire des efforts comme la Mauritanie. Il faut que le Sénégal accorde plus d'importance à la sécurité des talibés. Sur le plan de la sécurité, on n'est pas du tout satisfait. 

Avez-vous saisi les autorités pour la résolution de ces problèmes? 
Nous les avons saisis, mais le problème reste entier. C'est difficile de gérer 20 000 personnes avec des malades et des personnes âgées quand il n'y a pas de sécurité. S'il n’y avait pas la Croix-Rouge qui nous aide, ça aurait été plus compliqué. 

Comment expliquez-vous ce manque de considération? 
Je ne vais pas parler de manque de considération, mais je trouve que c'est de la négligence de la part des autorités. Parce que c'est de la négligence de regarder 20 000 personnes se déplacer sans assurer leur sécurité. Toutes les familles religieuses sont les mêmes, Cheikh Ahmadou Bamba, El hadji Malick Sy, Ibrahima Niasse, ils sont tous passés en Mauritanie où ils ont approfondi leur connaissance de l’Islam. Nimzatt est une place sainte pour nous. Il s'y trouve le mausolée de mon ancêtre, Cheikhna Cheikh Saad Bouh. Donc, ne pas assister les personnes qui vont à cet endroit, c'est faire preuve de négligence. Les autorités doivent accorder plus d'attentions à Nimzatt. 

Et si on abordait les questions touchant à l’actualité politique ? 
Oui, pourquoi pas ? Nous suivons celle-ci de près, même si notre position ne nous autorise pas à toujours réagir sur tout, et de n’importe quelle façon, par égard pour la diversité des opinions chez nos talibés et au-delà, de tous les Sénégalais avec lesquels nous entretenons d’excellentes relations. 

Que pensez-vous de la candidature de Wade, objet aujourd'hui de toutes les controverses? 
Abdoulaye Wade est un père pour moi. Son père est un Cheikh. C'est mon grand père Cheikhna Cheikh Saad Bouh qui l'a élevé au rang de Cheikh. Beaucoup de membres de sa famille sont enterrés à Ngoumba. On est donc lié par la religion et la tarikha. Mais pour l'affaire de sa candidature, comme il y a le Conseil constitutionnel au Sénégal qui doit la trancher, tout le monde doit écouter le Conseil constitutionnel et se conformer à ce qu'il décidera. 

Mais face à la tension ambiante dans le pays, quelle doit être l'attitude des religieux? 
La position des religieux doit être neutre. Ils doivent être équidistants de toutes les chapelles politiques. Ils sont des guides, et Dieu a dit que tout guide rendra compte de comment il s'est occupé de sa famille. Ils doivent rester à leur place: éduquer religieusement les talibés. Ils ne peuvent pas ne pas parler de la politique, mais ils ne doivent pas utiliser leurs positions pour avoir obtenir des avantages de la part des autorités. Ce qui est aujourd'hui très courant avec les religieux. 

Donner le Ndigël à vos talibés pour soutenir tel ou tel homme politique fait-il partie de votre rôle de chef religieux? 
Le rôle des chefs religieux, c'est de prier pour le salut de tous et de guider leurs talibés. Ils n'ont pas le droit de demander de voter pour x ou y candidat. Le Ndigël politique, électoral, n'a pas de sens ; le talibé est le mieux placé pour savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais pour lui. Le chef religieux n'a pas à influencer son choix. Je suis contre le Ndigël. Chacun n'a qu'à choisir celui qui l'arrange et voter pour lui. Le marabout n'a rien à faire dans ça. 

Mais le chef religieux doit-il rester silencieux quand le pays traverse une situation grave de périls? 
Ils ne doivent pas. Mais le silence des chefs religieux peut parfois être plus utile que leurs paroles. En priant, ils peuvent être en communion avec Dieu et lui demander des choses. Leur mission c'est surtout de prier et de demander à Dieu la paix et le calme. 

Que pensez-vous de la volonté de revenir sur la loi Latif Guèye portant criminalisation du trafic de drogue ? 
La drogue ce n'est pas bon. Quand on se drogue, aucun mal ne vous est impossible. Ce qui est important, c'est qu'il y ait la concertation avant toute décision. On ne doit pas se lever un bon jour et prendre une décision. 

Quel regard avez-vous sur la perte des valeurs?

La seule cause de la déperdition de notre jeunesse, c'est qu'on ne suit plus les enseignements de Dieu. Prier empêche de faire le mal, de dévier et les jeunes négligent la prière. Nombreux sont les jeunes Sénégalais qui négligent la prière, disant qu'ils attendent d'être âgés pour le faire. Les parents ont eux aussi une part de responsabilité. Chaque berger rendra des comptes. Si on veut préserver les jeunes de la drogue, de l'alcool, des mauvaises actions, il faut que les parents les éduquent. 

Comment appréciez-vous le triste sort qui arrive à Kadhafi? 
Je regrette ce qui lui arrive. Un leader quand ton peuple dit qu'il n'a plus besoin de toi, tu dois t'en aller gentiment sans t'accrocher au pouvoir. Et sans créer de problèmes. Il s'est entêté. Tous les morts qu'il y a, il en est le responsable. 

Pourquoi vous ne dites pas la même chose de Wade, le peuple avait demandé son départ le 23 juin?

Mon souhait avec la candidature de Wade, c'est qu'on attende sereinement la décision du Conseil constitutionnel, qu'on ne fasse rien pour bousculer les choses. Et après, quelle que soit celle-ci, l’accepter avec confiance, parce que ce sera sûrement avec l’assentiment de Dieu. Rien ne se décide sans son assentiment 

Certains trouvent que l’actuel présidentest vieux, et que rien que pour ça il doit partir? 
L'histoire a montré qu'il y a de bons chefs qui l’ont été jusque dans la vieillesse. 

Que pensez-vous de ce qui est arrivé à Bara Tall ?

Bara Tall est un musulman. Il croit en Dieu, justice doit lui être rendue comme l’ont demandé les juges, et son entreprise doit être réhabilitée. Il n'est pas seul. Il y a de nombreuses personnes derrière lui. Ces gens sont des pères de familles. Ils ont des responsabilités. Sa destruction, c'est la destruction de ces nombreux pères de famille. Il est un homme de paix et il a beaucoup servi son pays. Et puis, il bénéficie du soutien de nombreux Sénégalais. 

Votre dernier mot 
Je tiens à remercier chaleureusement quelqu’un comme Ousmane Tanor Dieng. Son assistance ne nous a jamais fait défaut. Il agit de la sorte, depuis longtemps, et il n'a cessé de le faire même s'il n'est plus au pouvoir. Le Gamou que j'organise chaque année, il ne le rate jamais. Il y passe la nuit.

Je salue aussi les actions que mène quelqu’un comme Cheikh Amar en faveur de toute la communauté musulmane, et le remercie personnellement. 
Et ici, je ne peux manquer de revenir à Abdoulaye Wade. Il a toujours porté une attention particulièrement généreuse à notre personne et à la Khadria. D'ailleurs il avait souhaité me voir. Ça fait un an, mais jusqu'ici Dieu ne l'a pas rendu possible, nous n’avons pu trouver le temps. Je prie pour que la paix règne au Sénégal, qui est un pays de paix. 
Auteur: le Populaire
Publié le: Vendredi 09 Septembre 2011

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