Quand le président Macky Sall, fût-ce le temps nécessairement éphémère d’une campagne électorale, lança le slogan « La Patrie avant le Parti », il faut croire qu’il prescrivait ainsi, à l’intention de toutes les autorités du pays, le « viatique » selon sa propre vision de bonne-gouvernance.
Ce message est-il suivi d’effet ? Nous n’en savons rien, en ce qui nous concerne, cependant que nous demeurons convaincus que, dans un pays comme le Sénégal, habitué depuis son indépendance déclarée en 1960 à l’immixtion du ou des partis au pouvoir dans la gestion des affaires publiques, ne pas honorer une telle promesse électorale ne peut tout au plus provoquer que de banales frustrations, sans conséquences politiques majeures.
Mais, lorsque le chef de l’Etat, s’adressant au Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), appelle à la « paix des braves, sans vainqueurs ni vaincus », il va sans dire que ce message ne peut que résonner, tel le bruit des sirènes, dans les oreilles sensibles des combattants de Atika, la branche armée du MFDC. Or, qu’est-ce que c’est que la « paix des braves, sans vainqueurs ni vaincus » ?
En principe, la « paix des braves, sans vainqueurs ni vaincus » s’entend un dépassement, une élévation des parties en conflit au-dessus de toutes contingences, qui leur permette alors d’apprécier, et de vivre, par anticipation déjà, à équidistance voire à égalité, sinon dans le strict respect mutuel, la paix prochaine à laquelle elles auront été si heureusement et si opportunément conviées. Soit une paix non-armée ; une paix non-corrompue ; une paix non-mafieuse ; une paix non-fumeuse. Une paix qui contraste, donc, avec l’état d’insécurité et de violence, de terreur et de peur, de menace et d’intimidation, au bénéfice de tous et de chacun. En fait, la paix en tant que cette inclination pacifique humaine, propre aux humains.
Il se trouve que les combattants du MFDC, tout humains qu’ils sont, quoiqu’incarnant Atika, ne veulent pas être moins que des humains. Autrement dit, ils veulent rester des humains, à l’égal de ceux-là mêmes qui incarnent la partie adverse, que sont l’Etat et la République réunis, et sans qu’ils n’aient aucunement besoin de s’en excuser.
Il se trouve, aussi, que cette partie adverse (l’Etat et la République réunies) est une incarnation d’humains. En cela, comme le sont d’ailleurs Atika et le MFDC pour leurs combattants, l’Etat et la République constituent, fondamentalement, quelque chose de sacré. Ce qui fait que, quand le président Macky Sall appelle, en leur nom, à la « paix des braves, sans vainqueurs ni vaincus », il y a là comme une émission de sa part d’un message sacré. Il faut par conséquent le magnifier, comme tel, dans le respect et l’écoute de son destinataire, Atika ; et surtout en prenant en compte sa relative capacité d’absorption du message en question.
Qui plus est, respecter et écouter Atika, c’est aussi, ou avant tout, prendre en compte ses revendications. C’est, en l’occurrence, se souvenir de la Plateforme Revendicative du MFDC, adoptée par les deux parties en conflit, depuis janvier 2004, comme le seul document de base pour les négociations de paix. C’est, donc, assurément, s’évertuer à interroger cette Plateforme Revendicative du MFDC, sans ambages, c'est-à-dire avec responsabilité et sérieux.
Ce faisant, nous (re)découvrirons que ce sont précisément Monsieur Macky Sall, d’une part, et, d’autre part, un certain Jean-Marie François Biagui qui, ès-qualités, ont adopté jadis ladite Plateforme Revendicative, en date du 8 octobre 2003, comme le seul document de base pour les négociations de paix, quand on sait par ailleurs que cette dernière comporte, entre autres, les précieuses revendications suivantes :
« … IV)- Du développement socio-économique de la Casamance : Mesures d’accompagnement et de consolidation de la paix :
1)- Désenclavement de la Casamance :
1.1- Création d’un trafic fluvio-maritime :
- Sur l’axe du fleuve Casamance : draguer le chenal depuis l’embouchure jusqu’au port de Ziguinchor ; baliser le chenal avec une bonne signalisation opérationnelle de jour et de nuit.
- Draguer les marigots secondaires actuellement utilisés comme voies de navigation : le Kamobeul, le marigot de Diouloulou, le marigot de Baïla, le marigot de Tobor, le Soungrougrou.
- Aménager des quais de débarquement et d’embarquement (embarcadères) dans les localités se trouvant le long du fleuve Casamance et de ces marigots. Construire notamment un ponton à Karabane.
- Créer des compagnies ou GIE de transport de voyageurs ou de marchandises.
- Ouvrir des magasins de vente de pièces détachées et de matériels de sécurité (gilets de sauvetage, instruments nécessaires à la navigation fluviale).
- Créer des centres de formation en mécanique et d’ateliers de réparation.
- Créer des structures spécialisées dans la viabilisation des axes fluviaux et l’entretien des ouvrages.
1.2- Désenclavement interne terrestre:
a)- Créer, bitumer ou maintenir en état permanent de fonctionnalité optimale :
- L’axe Ziguinchor – Oussouye – Le Cap.
- L’axe Oussouye – Elinkine.
- L’axe Le Cap – Diembéring.
- La boucle du Blouf.
- La boucle du Calounaye.
- L’axe Bignona – Sindian – Djibidione – jusqu’à la frontière gambienne.
- L’axe partant de la Nationale IV (Boungary) – Djibidione – Séléty.
- L’axe Djibidione – Suelle – Narang – Gambie.
- L’axe partant de la Nationale IV – Ndiéba – Bac de Marsassoum – Sédhiou.
- Le tronçon Carrefour Ndiaye et Diana Malary.
b)- Réaliser des appontements durables là où cela est nécessaire, notamment :
- Un pont sur le Soungrougrou au niveau de Marsassoum ;
- Un pont sur le fleuve Casamance au niveau de Sandiniéry (pour mettre le Balantacounda à portée de Sédhiou).
- Réfection du pont Emile Badiane.
1.3- Désenclavement externe:
- Reconstruire le pont de Gouloumbou (en faire un pont à double voie).
- Créer, bitumer ou maintenir en état permanent de fonctionnalité optimale :
* L’axe Gouloumbou – Maka Coulibantang – Koungheul – Kaolack.
* La piste dite des fraudeurs passant par Maka Coulibantang – Nationale I (juste avant Koungheul) : en faire une départementale que pourront emprunter les camions en provenance de Kolda ou de Ziguinchor voire des deux Guinée via Médina Gounasse, Pakour, Diaobé ou Tanaffe.
- Négocier et construire un pont sur le fleuve Gambie (Farafégny).
- Négocier la mise en état du tronçon gambien de la Nationale IV.
- Maintenir en bon état les Nationales IV et VI.
- Créer les axes routiers suivants :
* L’axe Nioro – Kaffrine (pour pouvoir aller directement de Ziguinchor à Touba, puis à Louga et à Saint-Louis sans passer par Kaolack et Diourbel).
* L’axe Kolda – McCarthy (Gambie) – Koungheul.
* L’axe Vélingara – Maka – Bassé (Gambie) – Nationale I.
N.B. : Négocier des ponts ou bacs sur le fleuve Gambie.
- Construire le chemin de fer Ziguinchor – Tamba
N.B.: Envisager son prolongement vers les deux Guinée.
- Construire un aéroport de dimensions internationales.
- Réhabiliter le port de Ziguinchor.
N.B. : Le désenclavement de la Casamance impliquant, au moins, la Gambie, il faudrait le réaliser dans le cadre du NEPAD… »
Au regard de ces revendications du MFDC, tout le monde devrait convenir que, en Casamance, il y a vraiment matière à appliquer, sans délai, la partie concernée, si tant est qu’elle existe, du Plan Sénégal Emergent (PSE). Et ce, sans qu’il ne soit nécessaire, dans le choix des priorités, de courir le moindre risque de heurter les susceptibilités présumées de César Atoute Badiate.
Oui, pensons véritablement ‘‘désenclavement de la Casamance’’ ; soyons sincères et agissons en conséquence ; donc pas de coups fourrés, encore moins de couillonnades, et nous mettrons en confiance, non seulement César Atoute Badiate, mais également tous les autres chefs de guerre de Atika.
Dakar, le 10 juin 2014.
Jean-Marie François BIAGUI
Président du Mouvement pour le Fédéralisme et la Démocratie Constitutionnels (MFDC-fédéraliste)
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