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Lamine Bâ, membre du Pds : « Le silence d’Abdou Diouf au sujet de la Crei est injuste voire complice »

Auteur: SenewebNews

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Membre du comité directeur du Parti démocratique sénégalais (Pds), Lamine Bâ, a passé au peigne fin l’actualité politique sénégalaise. Dans cet entretien exclusif accordé à Seneweb, M. Bâ est grandement revenu sur le grand meeting du Front patriotique pour la défense de la République (Fpdr) qui s’est tenu vendredi dernier à la place de l'Obélisque et sur l’avenir du Pds. Il a également évoqué la tenue du sommet de la Francophonie à Dakar ainsi que le silence du Président Abdou Diouf, qu’il a jugé « complice », au sujet de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (Crei).
 
Quels enseignements tirez-vous du meeting que vous avez tenu vendredi dernier ?
 
Ça a été une grande réussite au niveau de la mobilisation car les gens ont beaucoup épilogué avant le meeting en disant que le Pds n’est plus ce qu’il était. L’autre aspect concerne le contenu du meeting car un front est né, c’était le point de départ d’une nouvelle conquête démocratique. Nous avons prouvé à la face du monde que le droit de marche est un droit non-négociable. Il revient maintenant aux autorités de ce pays de tirer toutes les leçons par rapport à cela et de maintenir le Sénégal dans sa position de vitrine de la démocratie en Afrique occidentale.
 
Comment analysez-vous le discours du Président Wade ?
 
Pour moi, le discours du Président Wade est de très haute facture. Il s’est adressé à ce peuple qui a faim, qui a été abusé et à qui on a vendu la transparence et la bonne gouvernance alors que la réalité est toute autre. Au sujet de l’affaire Arcelor Mittal, je m’attendais à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. C’est ça la vraie réponse que le pouvoir devait nous servir : des explications cohérentes. Lorsque le Président Wade, en tant qu’ancien chef d’Etat et leader du premier parti d’opposition sénégalais, porte des accusations aussi graves, la meilleure attitude du pouvoir et de Macky Sall était de nous répondre et de prendre toutes les dispositions qui vont dans le sens de nous garantir la bonne gouvernance promise. Si ce n’est pas le cas, ils s’inscriront dans une logique d’ironisation et de diabolisation. Nous attendons donc des réponses par rapport aux problèmes soulevés. Il faudrait que les organes de contrôle de l’Etat s’auto-saisissent car ils ont désormais le droit de s’auto-saisir.
 
Que comptez-vous faire si l’Etat ne réagit pas ?
 
On n’organisera pas simplement un meeting. Nous allons saisir tous les partenaires au développement du Sénégal, toutes les ambassades, toutes les institutions régionales, sous-régionales et internationales qui sont partenaires au Sénégal car ils ont le droit d’être informés du bradage économique orchestré par Macky Sall et son régime au nom d’une dynastie. Je regrette que le ministre de l’Economie et des Finances veuille nous maintenir dans cette situation. Dans une de ses communications, il y a deux semaines, c’est lui-même qui nous avait dit qu’ils ont inscrit dans la loi rectificative l’argent reçu d’Arcelor Mittal. Ce matin, il a sorti un communiqué pour dire que le ministre des Mines et le gouvernement du Sénégal sont allés négocier. Nous voulons lui rappeler que ce n’est pas au ministre ou au Président de la République d’aller négocier mais à l’Agent judiciaire de l’Etat. Nous avons un plan d’action, nous allons résister et nous allons dénoncer Macky Sall au plus haut niveau.
 
Avez-vous des preuves tangibles de ce que vous avancez ?
 
Vous pensez qu’un ancien chef d’Etat, un leader de parti politique à la dimension de Me Abdoulaye Wade, se permettrait d’avancer des propos dont on n'a pas les preuves ? Non, je ne le crois pas. La preuve, ils n’ont pas encore démenti.
Le sommet de la Francophonie se tient au Sénégal, n’est-ce pas une bonne chose pour le pays ?
 
Dépenser 67 milliards pour la construction d’une salle de conférence qui ne sera utilisé que pour deux jours n’est pas une priorité dans un pays où l’école est à terre, un pays où des étudiants sont tués alors qu’ils sont en droit de revendiquer le payement des bourses. N’est-il pas temps pour nous africains, nous sénégalais, de nous arrêter et de faire le bilan de cette francophonie qui existe depuis 25 ans ? Après tant d’années, la francophonie a-t-elle construit une seule école au Sénégal ? Si ce n’est un bilan de coup d’Etat, de pouvoirs qu’ils ont démis parce que ça n’arrangeait pas l’Élysée. Depuis l’indépendance de l’Afrique à nos jours, ce qui coïncide avec l’arrivée de la cinquième République française, nous avons noté plus de cinq interventions  militaires pilotées par la France sur le sol africain sans explications et sans dédommagements. Pensez-vous qu’il soit sûr que nous qui aspirons à émergence dépendent du Francs CFA  qui est aujourd’hui une monnaie coloniale ? On a pas de problème avec le français qui est une langue comme toutes les autres, mais on a des problèmes avec l’organisation qui est un système de domination et d’influence qui n’a plus sa raison d’être et n’étant plus conforme aux aspirations des pays africains. Pour nous, la francophonie n’est que du théâtre, c’est de la fête comme l’avait dit le Président : c’est chanter, danser. C’est le prolongement de la colonisation. Il est donc important que les sénégalais le comprennent et qu’on le dénonce avec la dernière énergie. Nous avons dépassé l’ère des colons, nous avons besoins de frères partenaires dans la diversité et dans la complémentarité.
 
Certains pensent que Karim Wade sera le candidat du Pds, lors de la prochaine présidentielle. Êtes-vous de cet avis ?
 
Le Pds est un champ de leaders. Nous sommes le seul parti d’Afrique composé d’anciens chefs de l’Etat,  d’anciens Premiers ministres, d’anciens ministres d’Etat et d’anciens parlementaires. Ce sont de grosses pointures. Nous ne nous en glorifions pas, mais nous le constatons. C’est vrai qu’avec  l’évolution de la démocratie, nous ne pouvons plus avoir un leader comme Me Abdoulaye Wade. Maintenant, l’avenir d’un parti est intimement lié au choix d’un leader. Sur ce, si certains ont la liberté de penser qu’ils peuvent conduire les destinées du parti, pourquoi devrait-on reprocher à M. Babacar Gaye , qui est un grand responsable politique du parti, de donner son avis sur Karim Wade ? Je n’ai pas besoin de tirer en longueur sur la question. J’ai pensé depuis 2007 que Karim Wade a le profil pour parachever la vision de son père. Quand je dis père, je parle de la spiritualité. Au-delà du profil, il a eu à réaliser beaucoup de choses. Je vous rappelle que l’aéroport Blaise Diagne c’est lui, les toboggans et les autoroutes également. Tout ce qu’on peut voir et toucher aujourd’hui, au-delà du fait que c’était des projets du Président Wade, la réalisation est passée entre les mains de Karim Wade. Le plan Takkal dont il est l’instigateur, avec tout ce que ces nouveaux tenants du pouvoir peuvent dire, alimente toujours le Sénégal. Les 90% des militants du Pds pensent que Karim a le bon profil. Maintenant, cela ne veut pas dire que Karim va prendre le parti sur un plateau d’argent. Si les gens estiment qu’il faut des primaires, les supporteurs de Karim sont prêts. En demandant, s’il y a des primaires et que les autres perdent, qu’ils acceptent de rester dans le parti car c’est ça aussi la démocratie. Nous soutenons et portons la candidature de Karim Wade en 2017 car nous pensons que Macky c’est fini.
 
 
Mais il y aura un problème s'il décide de déposer sa candidature, car il se dit que Karim à une double nationalité …
 
Non seulement la loi sur la nationalité exclusive date des années 60-70, mais elle ne peut également aucunement être un obstacle pour Karim.  Ce que je trouve dangereux, c’est que la question soit agitée par des non-initiés, par des gens qui n’ont aucune connaissance des règles de fonctionnement démocratique de ce pays. C’est un débat insensé. Le jour où Karim Wade devra déposer sa candidature, il ira le faire devant les juridictions de ce pays et je ne pense pas qu’il y aura problème sur cette question parce que nous prendrons toutes les dispositions nécessaires. Je demande à ces gens qui soulèvent la question d’interpeller Macky Sall qui nomme des gens comme Abou Lô qui ont renié leur nationalité. Ceux qui brandissent cet argument n’ont juste pas d’idées et sont des complexés. 
 
Vous dénoncez  souvent la Crei qui est en train de juger Karim Wade, alors qu’elle a été créée depuis le magistère du Président Abdou Diouf …
 
J’interpelle Abdou Diouf pour deux raisons. D’abord, c’est lui qui a mis en place cette Crei qui est aujourd’hui contestée. Cette Cour qui a soulevé beaucoup de polémiques et de controverses. La Ligue sénégalaise des droits de l’homme, la Raddho, Amnesty international, tout le monde est d’accord aujourd’hui que cette juridiction n’est pas adaptée aux normes du droit international. Le Président Diouf, qui l’a créé et qui n’en a pas fait usage, devrait aujourd’hui se prononcer et nous dire est-ce que cette juridiction est légale. Je pense qu’à la place de ses mémoires, ils feraient mieux d’édifier les sénégalais sur cette questions là. La deuxième raison pour laquelle je l’interpelle est liée au fait qu’il est à la tête d’une organisation dont le Sénégal est membre : la Francophonie. Cette dernière qui a inscrit dans ses textes fondateurs la protection des droits et libertés et le respect des constitutions. Sur ce, je pense qu’il a aujourd’hui une double responsabilité pour se prononcer au lieu de s’emmurer dans un silence coupable. Il devrait pouvoir le faire au nom de ses relations avec le Président Wade qu’il a, peut-être, voulu nier aujourd’hui. Nous trouvons, en tant que citoyens normaux, injuste, inacceptable voire même  complice, le fait que le Président Diouf ne se prononce pas sur cette question. Non pas pour nous donner raison, mais pour éclairer la lanterne des sénégalais parce qu’il a cette responsabilité et que c’est un devoir moral pour lui.
Auteur: SenewebNews
Publié le: Vendredi 28 Novembre 2014

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