Calendar icon
Wednesday 10 September, 2025
Weather icon
á Dakar
Close icon
Se connecter

Remaniement : entre performance et risque de parti-État

Auteur: Léna THIOUNE

image

Remaniement : entre performance et risque de parti-État

Le Sénégal a connu, le 6 septembre 2025, le premier remaniement du gouvernement sous le régime de Bassirou Diomaye Faye, avec notamment le départ d’Ousmane Diagne, ministre de la Justice, et de Jean-Baptiste Tine, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique. Ils sont remplacés respectivement par Yassine Fall, ancienne ministre des Affaires étrangères, et l’avocat Mouhamadou Bamba Cissé, proche collaborateur du Premier ministre Ousmane Sonko. 

Des critiques précises et répétées

Dès novembre 2024, Ousmane Sonko avait publiquement mis en cause son ministre de la Justice, l’accusant de manquer d’indépendance et de n’être qu’une « autorité politique ». Au même moment, il reprochait à Jean-Baptiste Tine son manque de vigilance face à des menaces sécuritaires contre ses partisans lors de la campagne électorale. En juillet 2025, la tension est montée d’un cran après le rejet, par la Cour suprême, d’un recours le concernant. Le Premier ministre a alors dénoncé une justice « instrumentalisée » et réclamé la réouverture de plusieurs dossiers sensibles. Ses proches ont également critiqué la « lenteur » de la Justice sous Ousmane Diagne, accusé de ne pas traiter certains dossiers avec célérité.Selon certains observateurs, ces prises de position s’inscrivaient dans une volonté affichée par Ousmane Sonko de « récupérer les ministères de souveraineté » que sont notamment la Justice, l’Intérieur et les Affaires étrangères, jusque-là confiés à des technocrates, afin de renforcer l’emprise politique de l’exécutif.

Une constante politique au Sénégal

Si ce remaniement suscite de vifs débats, il s’inscrit aussi dans une continuité historique selon Alioune Tine, fondateur d’Afrikajom Center. Sous Abdoulaye Wade, le ministère de l’Intérieur avait été confié à des fidèles politiques comme Ousmane Ngom, alimentant déjà les soupçons de contrôle partisan du processus électoral. Sous Macky Sall, le ministère de la Justice a souvent été dirigé par des alliés proches, accusés d’orienter la justice dans des affaires sensibles, notamment contre des opposants.La particularité du moment tient au fait que le duo Diomaye Faye–Ousmane Sonko était arrivé au pouvoir en mars 2024 en promettant une rupture et une gouvernance institutionnelle débarrassée des pratiques politiciennes. En reprenant en main l’Intérieur et la Justice, l’exécutif renoue avec une tradition sénégalaise où les ministères régaliens servent de leviers pour contrôler à la fois la sécurité, la justice et les élections.

C’est en ce sens que la nomination de Mouhamadou Bamba Cissé à l’Intérieur inquiète particulièrement Babacar Ba, président du Forum du Justiciable. Pour lui, « le ministère de l’Intérieur organise les élections. L’opposition a toujours demandé une personnalité neutre. Confier ce portefeuille à l’avocat personnel du Premier ministre est un signal préoccupant. »

Des lectures divergentes

Pour Alioune Tine, fondateur d’Afrikajom Center, ce double départ des ministres de la Justice et de l’Intérieur illustre avant tout une « quête de performance ». Selon lui, Ousmane Diagne, décrit comme indépendant, ne pouvait plus concilier ses principes avec les pressions politiques. « C’est un divorce par incompatibilité d’humeur », résume-t-il.Babacar Ba, président du Forum du justiciable, se montre en revanche très critique. À ses yeux, Ousmane Diagne « faisait correctement son travail » et son limogeage, issu d’une pression politique et militante, « crée un précédent extrêmement grave ». Il insiste : « La Justice est un pilier de la démocratie. Elle doit rester à l’abri de toute pression politique ».

S’agissant de Jean-Baptiste Tine, Babacar Ba rappelle que sa nomination incarnait une volonté de rupture longtemps affichée par le régime de Diomaye. C’était un militaire, un technocrate, qui symbolisait une certaine neutralité. « Son départ traduit un virage inquiétant », alerte-t-il.Sur la nomination de Yassine Fall au ministère de la Justice, M. Ba souligne « un passage sans éclat » aux Affaires étrangères, marqué selon lui par « des erreurs de communication », et alerte sur les risques que de telles pratiques soient « payées cash » dans un ministère aussi sensible.

Le spectre d’un parti-État

Pour le vice-président de l’ancien OFNAC, ce remaniement confirme la logique d’un parti-État en construction : « Le PASTEF a désormais récupéré pratiquement tous les ministères de souveraineté. Ce n’était pas la démarche initiale, qui consistait à confier ces postes à des technocrates. Aujourd’hui, on a basculé vers une mainmise politique qui fragilise l’équilibre institutionnel ». Ainsi, le remplacement simultané des ministres de la Justice et de l’Intérieur apparaît, pour les uns, comme une affirmation de l’autorité du Premier ministre Ousmane Sonko ; pour les autres, comme un risque de politisation des institutions et d’affaiblissement de l’État de droit.

Auteur: Léna THIOUNE
Publié le: Mardi 09 Septembre 2025

Commentaires (7)

  • image
    Diop il y a 1 jour

    Il faut que les gens de Pastef refusent d'entrer dans le piège de cette fausse expression de parti état. Depuis quand le Sénégal n'a pas au sommet de l'etat un parti-etat. Tous les partis ou coalitions politiques qui ont gagné des élections présidentielles ont gouvernés avec leurs politiciens. Le dernier gouvernement de Macky Sall était 100% Benno bok yakar. Lors du premier remaniement ministériel de Macky Sall le 1er septembre 2013 avec Mimi Touré comme premier ministre il y avait juste trois ministres non politiques (papa Mamadou Seck, Sidiki kaba (qui est finalement devenu apr) et Awa Marie Col Seck ministre de la santé. Celui de Sonko compte cinq ministre non politiques sans compter les alliés.

  • image
    Amadou il y a 1 jour

    Ils ont gagné les 2 dernières élections haut la main. Négn dokhal sans avoir peur.
    Il faut prendre ses responsabilités, faire les choses dans un cadre légal et ne pas avoir peur des critiques de cette opposition qui n'a pas d'argument

  • image
    Anonyme il y a 1 jour

    Ce journaliste est nul. Pastef gagne et tu veux que Pastef donne le pouvoir à d'autres qui au moment où on se battait ils étaient là tranquille ?

  • image
    Génération Mobutu il y a 1 jour

    Les plus jeunes, on aurait compris mais de gros de politiciens ou de d'analystes , voire de gaillards devenus nuls. Il ne savent plus ce que c'est un " Parti État". Au Sénégal, de début d'indépendance jusqu'en 1974, on pouvait parler de Parti État : UPS puis PS. Tout les dirigeants devaient venir du Parti et partout de forces Vives. Puis ouverture de Senghor Parti de gauche et PDS.....Vint après la Mosquée de Diouf ouverte à tous les Imams.

  • image
    Irving il y a 1 jour

    Soit ceux qui parlent de parti État veulent pousser le pastef dans l’erreur, soit les pastefiens qui en parlent ne savent pas ce que ça veut dire. La majorité des sénégalais vous ont donné le pouvoir, faites en ce que vous voulez. Vous êtes pour un parti état, allons y. Vous voulez terroriser les gens, allons y. Vous voulez effacer, allons y. Je trouve que le pastef est trop dans les discours, ça parle trop et ça montre qu’ils n’ont pas de courage. Si vous pensez que les sénégalais ne vont plus en découdre avec le régime, qu’on ne va pas vous combattre, qu’on ne va pas vous dégager de la pire des manières, mettez en exécution vos calcules politiciennes, on verra bien si vous n’allez pas nous trouver devant votre chemin.

  • image
    Gorgui il y a 1 jour

    La petite, très petite racaille au pouvoir: quel spectacle. Inculture,ignorance,arrogance,idiotie,méchanceté,incompétence et surtout mal ÉDUCATION
    Sous la houlette d'un super fornicateur habitué de sweet beauty vagabond sexuel

  • image
    Manam il y a 1 jour

    C'est le gourou de pastef himself qui a parlé de parti Etat.
    C'est lui qui utilise les expressions de dictateur comme Idi amin dada.
    C'est lui qui se recueille sur les tombes de sanguinaires comme Mao.

Participer à la Discussion