Lors de l’ouverture du Gingembre Littéraire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), la professeure émérite Khadiyatoulah Fall (Université du Québec à Chicoutimi) a prononcé une conférence magistrale intitulée « Le Gingembre Littéraire, la souveraineté du lien, la souveraineté du verbe », saluant la « finesse de pensée » des organisateurs et la portée symbolique de cet événement inaugural en Amérique du Nord.

Un laboratoire du sens

Fall a célébré la convergence entre Boubacar Boris Diop, « incarnation de la souveraineté du sens », et Montréal, « ville-laboratoire des diversités », comme un « dispositif de pensée » où diaspora, souveraineté et verbe s’articulent. « Le Gingembre littéraire devient bien plus qu’un événement : il se constitue en laboratoire du sens, où s’explorent les articulations nouvelles entre mobilité et ancrage, mémoire et invention, pluralité et souveraineté du verbe », a-t-elle déclaré.

Du gingembre à la diaspora : une poétique du vivant

Métaphore centrale, le gingembre incarne une « racine qui brûle et guérit, qui circule sans se perdre ». « Comme la diaspora, il transforme la distance en présence », a souligné Fall, citant Achille Mbembe : les diasporas ne sont plus « marges ou nostalgies », mais « puissances de composition » – politiques de la circulation, savoirs, réseaux, créations.

Boubacar Boris Diop, souverain du verbe

Fall a rendu un hommage vibrant à Diop, dont l’œuvre (Murambi, Doomi Golo) transforme mémoire et lucidité en conscience universelle. « En écrivant en wolof, Boris Diop n’a pas cherché le repli identitaire, mais l’élargissement du monde par la fidélité à soi. C’est un acte de souveraineté intellectuelle et morale. » Elle a évoqué Paul Ricœur : une « hospitalité linguistique » où la traduction devient éthique.

Souveraineté relationnelle

La souveraineté, selon Fall, n’est plus clôture territoriale, mais « maîtrise du sens en circulation » – relationnelle, réticulaire, hospitalière. « La vraie souveraineté ne s’impose pas par la force, mais se tisse dans la confiance. » La diaspora devient « le gingembre du monde » : racine ardente, remède contre l’oubli, saveur du lien.

Hommage à Gorgui Wade Ndoye

Fall a salué le fondateur, El Hadji Gorgui Wade Ndoye, « passeur de sens, tisseur de ponts, veilleur d’humanité », fils de Rufisque comme elle. « Par son travail, il nous rappelle que la diaspora n’est pas une dispersion, mais une géographie de continuités. »

Montréal, symbole de pluralité

Elle a célébré l’élection récente de la première mairesse issue de l’immigration à la tête de la métropole francophone : « Un événement hautement symbolique : une société qui assume la pluralité comme source d’énergie démocratique. »Ce discours, prononcé devant Boubacar Boris Diop et une douzaine d’intellectuels, a donné le ton d’un week-end placé sous le signe de la pensée vivante, où littérature, diaspora et souveraineté s’entrelacent pour réinventer l’Afrique du 21ᵉ siècle.