Les réformes écrites à l’encre étrangère
Dans de nombreux pays africains, le recours aux cabinets de conseil internationaux est devenu une pratique courante pour élaborer des stratégies économiques, des plans sectoriels ou des réformes institutionnelles. Ces prestations mobilisent des montants significatifs. Selon des estimations issues de documents budgétaires et de rapports d’institutions financières internationales, les dépenses de conseil peuvent représenter entre 5 % et 10 % des budgets de projets financés par des bailleurs dans certains cas, soit plusieurs dizaines de milliards de FCFA par an pour certains États. Cette externalisation est souvent justifiée par un déficit de capacités techniques internes ou par l’exigence des partenaires financiers de recourir à des expertises reconnues.
Cette dépendance n’est pas neutre sur le plan économique. Les cabinets produisent des diagnostics et des feuilles de route souvent standardisés, parfois peu adaptés aux contraintes administratives, sociales ou politiques locales. Dans plusieurs pays, des stratégies successives se sont empilées sans réelle continuité, faute d’appropriation par les administrations nationales. Le coût n’est donc pas uniquement financier. Il se traduit aussi par une faible mise en œuvre des réformes, des retards dans les projets et une perte de crédibilité des politiques publiques annoncées mais rarement appliquées.
La question du transfert de compétences reste centrale. Si certains contrats incluent des volets de formation, ceux‑ci demeurent souvent marginaux par rapport au cœur de la mission. Des audits menés dans plusieurs ministères des Finances et de la Planification indiquent que, cinq ans après la fin de grands programmes de conseil, la dépendance demeure inchangée et les équipes locales continuent de solliciter une expertise extérieure pour des tâches similaires. Cette situation entretient un cercle où la faiblesse des capacités justifie de nouveaux contrats, sans réduction progressive du recours aux consultants.
À moyen terme, cette dynamique pèse sur la souveraineté économique et budgétaire. Une part croissante de la conception des politiques publiques échappe aux administrations nationales, tandis que les ressources mobilisées pour le conseil ne sont pas investies dans le renforcement durable des institutions. Certains pays tentent désormais de rééquilibrer cette relation en plafonnant les dépenses de conseil, en imposant des équipes mixtes avec des experts nationaux ou en conditionnant les contrats à des résultats mesurables en matière de compétences transférées. L’enjeu n’est pas de se passer totalement de l’expertise internationale, mais de la transformer en levier d’autonomie plutôt qu’en dépendance structurelle.
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