Les points de vente de moutons disséminés dans la capitale dakaroise peinent à se vider de leurs ruminants, à seulement deux jours de la fête de Tabaski. La faute aux prix élevés, pratiqués par «les teefankés». Comme s’ils s’étaient donnés le mot, les prix restent hors de portée. Et ce, malgré la suspension temporaire des taxes, la subvention en aliments et l’approvisionnement des points de vente en eau. Un diktat que refusent d'accepter les acheteurs qui préfèrent attendre les derniers moments pour venir payer un bélier. Ce qui fait des rapports vendeurs acheteurs une sorte de guerre à l'usure ou chacun tente de jouer au plus malin pour dribbler l'autre.
Au rond-point de Liberté 5, par exemple, les prix varient entre 70 000 francs Cfa et 400 000 francs Cfa. Les plus petits moutons ont vu leur prix fixé à 70 000 francs Cfa, alors que les moutons moyens, auxquels s’intéresse le Sénégalais lambda, se marchandent autour de 110 000 francs Cfa pour des prix définitifs de 90 000 francs Cfa. Les ovins de 50 000 ne sont pas légion. Les quelques bêtes vendues à ce prix ne remplissent pas les critères édictés par l’islam, jugent certains acheteurs. Et même pour ces quelques moutons à 50 000 francs Cfa, c’est après un marchandage serré qu’ils sont vendus à ce prix.
Mais les moutons dont les prix sont véritablement intouchables restent ceux de chez nous, élevés à domicile. Pour ceux-là, les prix ne descendent pas en dessous de 150 000 francs Cfa. C’est le cas d’«Etalon», un bélier blanc de 17 mois, dont le propriétaire informe avoir fixé le prix à 389 000 francs Cfa. «Ce mouton c’est la progéniture de Général. Si vous êtes amateur de gros moutons, vous avez entendu parler de ce spécimen. C’est un bélier énorme qui a été vendu ici à un million de francs Cfa l’an dernier», confie un «Téfanké» selon qui «Etalon» ne sera pas vendu à moins de 380 000 francs Cfa.
Et si les vendeurs guettent l'arrivée de potentiels clients, d'autres, par contre, ont déjà entrepris un rude marchandage avec les clients. Des marchandages qui pour la plupart n'aboutissent pas. Car les prix des moutons sont excessivement élevés, selon les acheteurs. Trouvé sur les lieux, Sokhna Diallo, une mère de famille en quête de mouton, a fini par rebrousser chemin car n’ayant pas suffisamment d’argent pour s’offrir un bélier. «Les prix des moutons qu'on m'a proposés sont trop chers. Ces gens-là se moquent de nous. Ils proposent de petits moutons qui valent à peine 40 000 ou 50 000 F et ils veulent empocher 100 000 F à la place, alors qu'ils ne paient même pas de taxes. C'est vraiment incroyable», se désole-t-elle avant d’ajouter : «C'est pourquoi jusqu'à présent je n'ai pas acheté de mouton. Je rentre à la maison parce que je n’ai pas assez d’argent pour me payer un mouton. Je vais essayer de trouver une solution, mais il faut que le gouvernement réagisse. Parce que cela ne peut pas continuer».
«Combien, coûte ce bélier ?», lance Diouf, un autre acheteur rencontré sur place. «Pour ce mouton, il faut donner 100 000 F», rétorque le vendeur. Surpris par le prix avancé par le vendeur, Diouf lui jette sur la figure : «100 000 F tu rêves ou quoi ? 60 000 F, c'est tout ce que je peux payer». Le berger peulh de porter la réplique en confiant qu’il ne peut pas céder le bélier à moins de 90 000 F. C'est le dernier prix.
Désemparé, M. Diouf qui n’a pu s’accorder avec le vendeur explique : «Je pense que je vais rentrer bredouille. Tous les moutons que j'ai eu à demander coûtent entre 90 000 et 150 000 F. Je n'ai même pas vu de mouton de 50 000 F. J’espère que d'ici la Tabaski, les prix vont baisser pour que tout le monde puisse avoir un mouton à sacrifier le jour J».
Du côté du point de vente de Fass, le scénario est le même. Rares sont les moutons qui sont vendus à moins de 60 000 francs Cfa. Ici, les «Téfankés» cèdent d’ailleurs les bêtes à partir de 70 000 francs Cfa. Les prix pouvant même tourner autour de 500 000 francs Cfa pour les moutons de race.
Mais si les vendeurs qui ont inondé les abords du canal de moutons de toutes catégories cherchent par tous les moyens à convaincre les clients, ces derniers, malgré de très longs marchandages, ne parviennent pas à s’accorder avec eux. Mariama, une dame qui était en compagnie de son époux est rentrée bredouille. «Les prix des moutons à l'heure actuelle sont trop chers. Je voulais acheter un mouton, mais je rentre jusqu'à la veille de la Tabaski pour revenir acheter. J'ai marchandé avec beaucoup de vendeurs, mais c'est la même chose. Pour un tout petit mouton, ils disent 100 000 ou 90 000 F. Et c'est comme cela partout. Je suis allée au niveau de quelques points, mais les prix sont partout les mêmes», fulmine-t-elle.
À la Zone B, sur le Boulevard Dial-Diop, l’affluence est minime. Mais, ici comme à liberté 5 et à Fass, les prix restent pour le moment élevés. Ce qui fait qu’à deux jours de la Tabaski, une bonne partie des Dakarois ne dispose toujours pas de mouton pour perpétuer le sacrifice d'Abraham. Cependant, force est de noter que les prix du mouton sont aussi fonction des quartiers où se situent les points de vente. Dans les quartiers populeux de la banlieue de Dakar, les prix sont plus abordables que dans les environs des quartiers habités par des gens de la classe moyenne ou bien les quartiers huppés comme Sacré-Cœur, Almadies, etc.
Ce qui est sûr, c'est que c'est au dernier moment seulement que va se décider le vainqueur de ce jeu à l'usure entre les vendeurs et les clients. Soit les prix resteront en l'état et cela fera leurs affaires, soit ils baisseront et les acheteurs en tireront le plus grand profit.
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