Architecture à Dakar, mosaïque inspirée ou dérive sans boussole
Dakar n’a jamais véritablement choisi. Elle avance sans effacer. À chaque coin de rue, elle raconte une époque différente, une intention oubliée, un rêve figé dans le béton ou dans la pierre. On y croise les villas coloniales aux toits ourlés, les immeubles modernistes aux lignes rigides, les mosquées à coupoles pastel, les maisons en briques crues qui défient encore le temps, et les tours de verre surgies dans un désordre maîtrisé.
Cette mosaïque architecturale, faut-il s’en émerveiller ou s’en inquiéter ? Entre richesse des styles et absence de cap, Dakar se tient en équilibre instable. Ville-monde par la force de l’histoire, capitale hybride par nécessité plus que par vision, elle incarne une forme de pluralité qui n’est pas toujours assumée. Ici, la continuité urbaine n’est pas la règle mais l’exception. La ville semble préférer la juxtaposition au dialogue, le patchwork à la composition.
Pourtant, ce désordre apparent est aussi une expression sincère de ce que nous sommes. Dakar ne cherche pas à faire illusion. Elle expose ses contradictions sans fard. L’esthétique n’y prime pas sur la fonction, le symbole prend souvent le pas sur la cohérence. Et dans cette manière d’occuper l’espace, il y a une vérité : celle d’une ville qui s’adapte, qui absorbe, qui compose sans cesse avec le présent.
Mais cette souplesse, parfois célébrée comme une forme de liberté, a aussi ses limites. Elle révèle l’absence de gouvernance urbaine à long terme, le déficit de planification, le poids des dynamiques individuelles sur le collectif. À force d’empiler sans arbitrer, la ville perd en lisibilité, en harmonie, en souffle. Elle court le risque de devenir une suite de fragments, sans vision partagée, sans mémoire structurante.
Reste que cette architecture en mille morceaux est aussi le miroir d’une société en mutation permanente. Une société qui ne se laisse pas enfermer dans une seule forme, une seule logique, un seul style. Dakar vit dans l’entrelacs, le glissement, l’adaptation. Et c’est peut-être là, dans cette tension entre élan et débordement, que réside sa singularité la plus forte.
Dakar n’a pas d’unité formelle, mais elle a une cohérence intime ; celle du mouvement, du métissage, de la ville qui se fait en marchant. Une mosaïque, donc. Belle, rugueuse, incomplète. À la fois inspiration et question ouverte.
Commentaires (9)
Dakar est comme un chaos parfait qui marche, d'ailleurs c'est presque tout le senegal qui est comme ça souvent on se demande comment ce machin arrive á fonctionner et á tenir debout 😅😅😅😅😅😅😅
Effectivement, un chaos en équilibre permanent. Il suffit de regarder la circulation, coincé entre les 4x4 de luxe, les taxis cabossé, les clandos, les jakarta, le code de la route à la poubelle, les routes sablonneuses en sortie des routes goudronnées. Un grand bordel à ciel ouvert
Effectivement, un chaos en équilibre permanent. Il suffit de regarder la circulation, coincé entre les 4x4 de luxe, les taxis cabossé, les clandos, les jakarta, le code de la route à la poubelle, les routes sablonneuses en sortie des routes goudronnées. Un grand bordel à ciel ouvert
Merci Aicha pour les thémes choisis
" Le marché de Sandagaélevait ses colonnades miteuses comme une énorme termitière équarrie. Une conception colonialiste assez arriérée avait pour devoir l'édifier au milieu de bâtisses trop vieille Europe qu'on avait campées là. Pourquoi avait-on transplanté en Sénégal, où l'homme moyen ignorait aussi bien les palais en pisé de Tombouctou que le dôme du Panthéon, cette pâle, imitation d'art soudanais ? Mystère du goût administratif... " du roman " Maïmouna " d'Abdoulaye Sadji.
Discours laborieux pour qualifier l'anarchie, l'absence de règles.
Merci pour cette alerte.
Thème encore très intéressant, mais je ne partage pas la nuance proposée dans l'analyse.
Tout groupe humain quelque soit sa zone d'installation à son identité en perpétuelle mutation.
Ce qui se passe à Dakar est un désastre total.
Ni l'esthétique ni la fonction ne sont au rendez-vous, j'en veux pour preuve les inondations dans lesquelles les populations des parcelles assainies se sont retrouvées hier après ces petites pluies d'hier, les bâtiments qui s'effondrent, à l'isolation thermique défaillante, poussant souvent les habitants à réduire par dépit la durée de leur sommeil...
Le site de la ville de Dakar est merveilleux, la ville que nous autres humains avons établie dessus est laide.
Toj defaraat
À force d’empiler sans arbitrer,
Sans entrer dans le fond, je m'arrête sur une partie du titre de l'article qui laisse songeur : ... dérive sans boussole... A mon avis, une expression comme "navigation sans boussole" aurait mieux valu. Pour le reste, je trouve que vous produisez d'habitude de très bons textes.
Dakar était une ville superbe dans les années 70-80. Avec le plateau et son architecture coloniale la SICAP moderne Jet d’eau L iberté Amitié Dieupeul Cetenaire... La Patte d’Oie, Toute la cote était visible avec une belle brise marine qui inondait l’Université de Dakar des aires de jeu. Des jardins le Zoo de Hann et les plages de partout. Puis sont venus les libéraux qui transformèrent le gemme en merde, un chaos incohérent qui tient debout que par des rafistolages.
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