Des Balkans au Sénégal : Comment la cocaïne envahit l’Afrique de l’Ouest
Le Sénégal s’impose comme un nœud stratégique dans l’expansion du trafic de cocaïne dirigé par des réseaux criminels originaires des Balkans occidentaux, selon un récent rapport de la Global Initiative against Transnational Organized Crime (GI-TOC) partagé par Jeune Afrique.
Ces groupes, principalement slavophones et albanophones, ont transformé l’Afrique de l’Ouest en un corridor clé, achetant des cargaisons auprès de l’alliance brésilienne Primeiro Comando da Capital (PCC) avant d’en gérer la logistique. Lucia Bird Ruiz, coautrice du rapport « Sous les radars : le trafic de cocaïne des Balkans occidentaux en Afrique de l’Ouest », résume : « Des groupes ou des réseaux criminels originaires des Balkans occidentaux achètent désormais les cargaisons de cocaïne à la plus grande alliance brésilienne de trafiquants [PCC] avant d’en assurer la logistique en Afrique de l’Ouest. »
Une logistique sophistiquée des clans balkaniques
Les clans monténégrin Kavač, implanté en Sierra Leone, et Škaljari, son rival, dominent ce marché avec une organisation méticuleuse. Une grande partie de la cocaïne, y compris des cargaisons de plusieurs tonnes, arrive sans conteneurisation, dissimulée dans les coques de bateaux à moteur et de chalutiers opérant discrètement dans le golfe de Guinée, notamment au large des côtes sénégalaises. Ces groupes exploitent les infrastructures portuaires en développement, profitant de l’incapacité des autorités locales à contrôler l’afflux exponentiel de marchandises. Le rapport note : « Ces groupes exploitent les vulnérabilités locales pour établir des relations avec les forces de l’ordre, les opérateurs portuaires et les services de sécurité corrompus. » Saša Đorđević, analyste senior chez GI-TOC, ajoute : « Le recours à des intermédiaires est une caractéristique déterminante de ces réseaux. Ils offrent une certaine flexibilité, un accès local et servent de plus en plus de points de convergence entre les groupes. »Au Sénégal, ces réseaux s’appuient sur des intermédiaires locaux pour superviser le stockage et le reconditionnement via des sociétés-écrans, reliant ensuite les îles Canaries et la Gambie avec le soutien du PCC et de la mafia calabraise ‘Ndrangheta. La cocaïne est ensuite acheminée vers l’Europe, notamment via Anvers, par conteneurs ou go-fast, avec des escales fréquentes au Cap-Vert.
Une expansion alimentée par des facteurs globaux
Depuis 2019, l’Afrique de l’Ouest, et le Sénégal en particulier, joue un rôle prépondérant dans ce trafic. Fatjona Mejdini, directrice de l’Observatoire des économies illicites en Europe du Sud-Est du GI-TOC, explique : « Cette expansion en Afrique de l’Ouest a été motivée par le renforcement des contrôles sur les routes directes entre l’Amérique latine et l’Europe, le renforcement des alliances avec certains des réseaux criminels les plus puissants d’Amérique latine et l’augmentation de la production de cocaïne, parallèlement à la forte hausse de la consommation en Europe. » Environ 30 % de la cocaïne acheminée en Europe transite par la région, un chiffre qui pourrait grimper à 50 % d’ici 2030. Cette dynamique profite aux Balkans, qui gèrent une logistique efficace, stockant la drogue dans des entrepôts partagés avec la ‘Ndrangheta avant expédition.
Le Sénégal, avec ses ports en développement et sa position géographique, devient ainsi un maillon essentiel de cette chaîne criminelle, mettant en lumière les défis de sécurité et de gouvernance face à cette montée en puissance des réseaux balkaniques.
Commentaires (6)
"Un Boeing parti du Venezuela a atterri sur une piste artisanale à 15 km de Gao (nord-est) avant de décharger de la cocaïne et d’autres produits illicites", a indiqué le responsable régional de l’ONUDC Alexandre Schmidt lors d’une rencontre avec la presse.
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